Le mur invisible – Marlen Haushofer

traduit par Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon

Après avoir lu pendant le premier confinement Les buveurs de lumière de Jenni Fagan, j’ai lu Le mur invisible pendant le second. Ce roman est devenu un classique de la littérature dystopique post-apocalyptique, comme il est à la mode d’appeler une certaine science-fiction ainsi aujourd’hui. Le mur invisible a été publié en 1963. Il traduit les angoisses de la guerre froide et la peur de la destruction de la planète par les armes militaires. C’est ce qu’on nous dit à la fin de l’ouvrage dans une analyse du livre par Patrick Charbonneau. Pourtant, le lecteur d’aujourd’hui ne trouvera pas un trace de toute cette ambiance de guerre froide. Je l’ai lu sans prendre connaissance de cette analyse. J’avais plutôt en tête nos deux confinements.

Une femme, la narratrice, commence à écrire un journal, sans plus avoir une exacte notion du temps. Elle suppose qu’elle est le 5 novembre. Elle dit écrire pour ne pas devenir folle. C’est le seul moyen, à ses yeux, « de ne pas perdre la raison » et conjurer la peur. Pas pour être lue. Elle doute qu’elle le sera un jour.

Elle était chez sa cousine et le mari de celle-ci quand c’est arrivé. Hugo et Louise possèdent un domaine de chasse en forêt, où ils aiment se rendre pour décompresser. Hugo est du genre hypocondriaque. La narratrice l’aime bien, non parce qu’il est chasseur, mais parce qu’elle partage son amour de la forêt. Bref, ils avaient l’habitude de passer du bon temps au chalet tous les trois. Ce jour-là, quand elle rejoint ses cousins au chalet, elle est accueilli par Lynx, le chien. Mais pas de trace de ses maîtres. Bien évidemment, quand leur absence perdure, elle s’inquiète et commence à explorer les alentours. Le chien devient nerveux. En voulant poursuivre son chemin, elle se cogne la tête contre quelque chose de froid et lisse : un mur invisible. C’est ainsi qu’elle le nomme. La peur la saisit, elle ne pense qu’à quitter cet endroit. Mais finalement elle renonce très rapidement à la fuite. Elle va faire sa vie là, sous cloche. Avec un chien, une vache qui attend un veau, des chats. Elle va planter des patates et se nourrir de patates au lait…

Je crois que si j’avais lu ce roman avant La foret de Jean Hegland ou Manuel de survie à l’usage des jeunes filles de Mike Kitson, je l’aurais sans doute apprécié davantage. En effet, si je me suis prise au jeu au début, j’avoue que j’ai fini par m’ennuyer ! Ce roman mériterait d’être raccourci ! Il ne se passe pas grand chose. On suit la narratrice avec ses animaux, tous devenus des animaux de compagnie, au sens fort. Certains meurent, d’autres naissent. Elle observe leurs caractères différents. Elle sème les pommes de terre, des haricots et surveillent leur croissance. Elle connaît la faim. Elle se restreint, est obsédée par la peur de manquer de nourriture. Mais jamais elle ne pense à sortir de là ! Voilà en fait ce qui m’a dérangée ! De l’autre côté du mur invisible, elle s’est rendu compte que les gens étaient morts. Mais tout de même…. Elle ne se demande même pas vraiment si elle est seule. C’est un peu l’ellipse totale à ce sujet. Elle y songe à peine. Ce devrait être obsessionnel…. Comme le fait de vouloir s’enfuir quitte à se fabriquer une combinaison ou un masque au cas où un gaz mortel serait répandu de l’autre côté du mur. Je me suis même demandé comment ça avait été possible pour elle d’arriver au chalet et de ne pas pouvoir en repartir. L’ellipse est un peu gênante.

On ne saura jamais le pourquoi ni le comment de ce mur. On reste confiné avec elle dans cet extérieur forestier. L’écriture de Marlen Haushofer est agréable. Mais rester avec son personnage à manger des patates au lait , parfois des haricots et des pommes ne m’a pas rassasiée. J’ai terminé ce roman avec une sensation de faim et l’esprit plein d’interrogations.

Un roman avec un goût d’inachevé.

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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9 commentaires pour Le mur invisible – Marlen Haushofer

  1. J’avais aimé ce Thoreau au féminin et moi je pense qu’elle a pris goût àcette vie …. 🎁

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    • Maeve dit :

      Pourtant elle dit écrire pour ne pas perdre la raison et parce qu’elle a peur. Ce roman a été écrit bien avant les deux autres romans dystopiques et champêtres que je cite et que, pour ma part, j’ai trouvés nettement meilleurs en raison de leur portée écologique, que l’on ne retrouve pas ici. Sans doute une question d’époque.

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  2. Ingannmic dit :

    J’avais été vraiment emballée par cette lecture, en partie parce que j’avais trouvé que sa lenteur restitue parfaitement les conditions de vie de l’héroïne, calquées sur son environnement..

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  3. alexmotamots dit :

    Heureusement que tu l’as lu pendant les fêtes, tu vas pouvoir manger de bonnes choses pour te rassasier 😉

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  4. lilly dit :

    J’ai complètement adoré ce livre pour ma part. Son ambiance, son écriture, le fait que dans sa solitude la narratrice fait émerger de nombreux personnages auxquels on s’attache… Je l’ai découvert en 2015, donc bien avant le covid et même sa redécouverte par de nombreuses lectrices, et c’est toujours l’un des livres que je citerais parmi mes préférés.

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  5. PatiVore dit :

    Je n ‘ai pas lu ce roman mais j’ai vu l’adaptation cinématographique qui est bien.
    Je n’ai pas aimé La foret de Jean Hegland (ces deux sœurs qui se chamaillent stupidement m’ont largement énervée…) par contre j’ai bien aimé Manuel de survie à l’usage des jeunes filles de Mike Kitson 😉

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