Une proie trop facile – Yishaï – Sarid

Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

J’ai quasiment tout lu depuis un moment pour mon challenge sur la Palestine, il doit m’en rester deux. Mais c’est pour moi l’occasion de lire pour la première fois un auteur israélien : Yishaï Sarid. C’est quelqu’un qui dénonce avec beaucoup d’humour noir les travers de son pays et nous plonge dans l’ambiance de Tel-Aviv. Une proie trop facile existe au format poche chez Babel.

Il s’agit d’une histoire simple mais racontée de manière assez dense. On n’est pas vraiment dans un polar au sens classique du terme. Il n’y a pas de meurtre, le personnage principal n’est pas un flic. C’est plutôt un « roman prétexte » pour scruter la société israélienne dans tout son paradoxe et sa paranoïa.

Nous suivons donc un jeune avocat qui doit mener une enquête alors qu’il est réserviste dans l’armée israélienne, plus précisément dans la police militaire. Déjà, ce n’est pas un statut banal, j’ai mis un petit moment à comprendre…

Il se trouve qu’une jeune soldate accuse un officier reconnu par sa hiérarchie de l’avoir violée. Notre avocat reconverti en détective de police militaire part donc à la rencontre des différents protagonistes et nous dresse un tableau truculent. Des parents de la victime sont des religieux intégristes qui étouffent leur fille, celle-ci est complétement paumée mais pas totalement claire non plus. Le soldat incriminé passe sa vie dans un bunker du Sud-Liban, en mode parano, à traquer le moindre grain de sable qui bouge…

Chaque personnage nous offre sa version des faits à travers l’enquête de l’avocat. On n’est pas trop sûr que chacun soit bien net, bien clair, bien propre sur lui. Franchement, les parents de la fille sont complètement barrés. Je crois que dans cette histoire, on ne s’attache à personne. En tout cas, je n’en ai aimé aucun. Je me suis en revanche pas mal amusée. La fin est particulièrement étonnante, ce qui m’a amenée à revenir quelques pages en arrière en me disant que j’avais raté un truc. Mais la société israélienne est bien, sinon folle, du moins absurde et déboussolante ! C’est en tout cas ce que semble suggérer Yishaï Sarid.

L’auteur ne propose pas un portrait en noir et blanc de son pays, avec d’un côté les bons et de l’autre les méchants. C’est plutôt du gris pour peindre une espèce de folie généralisée. Son coup de griffe fait mouche. Un pays qui vit au détecteur de mensonge. 🙂

J’ai également bien aimé l’expérience de la promenade dans les rues embouteillées, poussiéreuses et bétonnées de Tel-Aviv mais aussi à l’extérieur, jusqu’au Sud-Liban. L’ensemble ne me donne pas trop envie d’y aller, j’avoue. L’office du tourisme israélien a encore du boulot pour me convaincre.

« Avec les années, on est obligé de s’éloigner de plus en plus de Tel-Aviv si l’on veut une vue dégagée. Avant l’horizon apparaissait juste après Ramat-Aviv. Quand j’étais chez les scouts, il suffisait d’aller dans les dunes au nord de Sdé-Dov pour voir un vrai désert (…) »

« La mer, bleue et déchaînée, a fait une brève apparition sur notre gauche, rapidement cachée par une résidence de vacances en construction. »

« Regardez un peu les villas qu’ils se font construire, a noté Koby au moment où on traversait le wadi Ara, une zone où la concentration de villages arabes était particulièrement dense. Vous avez vu cette petite tour Eiffel ! Ils font tout par eux-mêmes, alors ça leur revient beaucoup moins cher. Il y a quelques maisons dans lesquelles je n’aurais pas refusé d’habiter. Et ils les décorent magnifiquement bien. »

Un auteur à découvrir.

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About Maeve

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4 Responses to Une proie trop facile – Yishaï – Sarid

  1. Avatar de alexmotamots alexmotamots dit :

    Merci de cette présentation, je m’empresse de noter le titre.

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