La Balade de Galway – Thierry Clermont

J’ai trouvé ce livre, qui est une nouveauté tout juste publié, en déambulant en librairie. Je suis toujours un peu intriguée de voir l’Irlande évoquée par un Français. Journaliste ou pas. Ecrivain ou pas. Thierry Clermont est les deux : écrivain et journaliste, si j’en crois la présentation éditeur.

Galway est une ville que je ne connais pas dans les détails. C’est, pour moi, plutôt une ville de passage pour rejoindre le Connemara, m’ancrer plus loin, dans la campagne, porte d’entrée de randonnées merveilleuses. Néanmoins, j’ai quand même eu la chance de parcourir ses quartiers accompagnés d’Irlandais, toujours avides de me raconter « le mythe » de Galway, l’histoire de cette ville fondée par 14 clans querelleurs, au XIIIe siècle.Galway est aujourd’hui une ville davantage connue pour son sens de la fête et son université. On ne peut pas la parcourir sans y trouver musique et pubs où on lève le coude à l’extérieur (du pub). C’est aussi là que se déroule aussi un prix hippique très coté, où les gens y pavoisent en tenue de rigueur au coeur de l’été. L’image qui s’offre à moi dans le mot « Galway », ce sont aussi les gens faisant leur jogging sur la promenade longeant l’océan. Ce sont les cygnes près de Claddagh, les plus grands d’Europe. En tout cas, je ne connaissais pas Galway à travers les écrivains (à part Ken Bruen). C’est ce qui m’a attirée. Il existe une Galway Poetry Trail, « tout au long de la rive orientale du Corrib ».

Thierry Clermont n’était pas allé en Irlande depuis son enfance. Il n’en a gardé aucun souvenir « sinon celui d’une traversée en mer particulièrement pénible » pour rejoindre Great Blasket, dans le Kerry. Son souvenir est défaillant mais à travers les mots de sa mère, l’Irlande se résume à un « bout du monde hostile ». « Je me souviens vaguement d’une verdure mouvante et scintillante et de gros paquets de mer. (…) Pour moi, l’Irlande, ce fut ça pendant longtemps et rien d’autre. » Elle regagne en estime à l’adolescence, à travers le rock punk des Pogues et de Shane McGowan, le blues de Rory Gallagher.Il commence à s’intéresser à la littérature à travers McGahern. Beckett. Cependant, dans son livre, il n’explique pas vraiment ce qui l’a décidé à ce séjour à Galway. Juste pour écrire ? Ou l’idée est-elle venue ensuite ? Il séjourne à l’hôtel, au Jurys Inn, construit sur le site d’une ancienne distillerie de whisky. C’est un détail mais Thierry Clermont sonde tout les lieux, donne tous les détails. Il fait renaître les fantômes du passé, les grands noms de la littérature irlandaise, part sur leur trace à travers les livres qu’il a lus, mais aussi avec l’aide d’un chauffeur (guide ?), Darren ou d’un écrivain que j’ai été ravie de croiser dans ces pages : Mike McCormack, l’auteur D’os et de lumière, qui habite Galway depuis quarante ans. Celui-ci lui donnera la clé pour retrouver trace de Joyce à Galway.

Joyce, un auteur parmi les autres dans ce livre, dédié à la mémoire de Maeve Brennan. Dublinoise, chroniqueuse (et autrice de nouvelles, j’ai un livre d’elle !) exilée aux Etats-Unis dans les années trente, qui sombra dans la folie et la déchéance avant d’y mourir en 1993. Pourtant, elle n’apparaît qu’à travers quelques lignes, alors que Joyce, Beckett et Yeats ainsi que les paysages qui ont ensorcelé le chantre du Renouveau Celtique occupent la part du lion. Vous dériverez aussi du côté de Dublin pour une évocation du « quartier latin de Dublin », mais pourtant aucune évocation du Latin Quarter de Galway. Un petit tour du côté d’Inishmore, sur les îles d’Aran pour évoquer Synge et Liam O’Flaherty. Un petit tour du côté de Coole Park, à l’ouest de Gort, pour découvrir Thoor Ballylee, encensée par Yeats, puis tombée en désuétude, réhabilitée par l’Etat dans les années 60 et ouverte au public pour le centenaire de la naissance de Yeats. « Ce lieu isolé, cette bâtisse de retraite, percée de fenestrons aux volets verts et de meurtrières, qui s’élève sur trois étages, quelque peu inquiétante, malgré la végétation particulièrement exubérante et variée qui l’entoure (buissons d’aubépine, hauts maronniers vigoureux, violettes des chiens et ficaires jaunes, primevères, ail des ours….), est baignée par le Streamstown, un maigre affluent mousseux de la Cloon River où frétillent truites et perches. (…) Un terrain propice aux légendes monstrueuses ou guerrières, aux fées et aux beautés préraphaélites (…) ».

Ce n’est pas dit dans l’ouvrage mais sous les aubépines dansent les fées irlandaises ! 🙂 Je ne savais pas que la Thoor Ballylee était devenue un musée. Un pense-bête dans mon esprit pour aller voir par là-bas !

Vous n’échapperez par à la reine Mebh. L’incontournable reine Maeve vous emboitera le pas partout où vous irez dans le Connaught ou en Ulster, où elle règne depuis l’Eternité. « Une grande séductrice à l’abondante chevelure blonde, et une infatigable guerrière, ennemie farouche du Hercule irlandais (…), le redoutable Cuchulainn, armé de sa fidèle lance Gae Bulg, qui avait tenté de lui ravir la province de l’Ulster (…) Maeve, selon la légende celtique, repose sous un vaste tumulus, sur les hauteurs de Knocknarea, dans la province de Sligo ». Ah, nan ! Sorry mais Sligo est un comté (et une ville) et pas une province…

Thierry Clermont offre une charmante balade, même si les chemins de traverse sont un peu trop nombreux (on croise même John Kennedy et Antonin Artaud). Une lecture apaisante, qui se termine malgré tout de manière un peu abrupte (j’ai tourné ce qui s’avérait être la dernière page un peu perplexe) !
Finalement, ce carnet de voyage (?) est un guide original, littéraire et mythologique pour visiter la région de Galway si un voyage dans cette optique vous tente. En vrai ou dans un fauteuil !

NB : A Galway, il existe 14 ronds-points portant chacun le nom d’une des 14 tribus fondatrices de la ville. Ce n’est pas dit dans le livre. Une autre quête moins bucolique si leur coeur vous en dit. 🙂 (bad joke !)

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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5 commentaires pour La Balade de Galway – Thierry Clermont

  1. PatiVore dit :

    La couverture est très jolie, attirante, en tout cas 🙂 Je ne participe pas parce que je n’ai rien d’irlandais… Mais bon Mois irlandais à toi 🙂

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    • Maeve dit :

      Au contraire, mes étagères croulent sous les livres irlandais de toutes sortes !😁 Je suis toujours étonnée quand les gens me disent qu’ils n’ont aucun livre irlandais dans leur bibliothèque. Ce n’est pourtant qu’à 1h15 de Paris en avion. Un petit pays tellement réputé pour sa littérature !

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  2. alexmotamots dit :

    C’est important aussi, les rond point ! Et puis ceux-ci sortent de l’ordinaire.

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