Troubles – Louise Kennedy

Traduit par Cécile Leclère

Décidément, la rentrée littéraire d’hiver est nord-irlandaise ! Voici le 2e livre que je lis qui se passe en Irlande du Nord, à Belfast (et j’ai dans ma PAL Ce que Majella n’aimait pas, de Michelle Gallen qui m’attend depuis un moment). Après avoir dévoré Les ravissements de Jan Carson, j’ai englouti en quelques jours le premier roman de Louise Kennedy, Troubles (mais dont le titre original est Trespasses ).

1975, Belfast. Cushla est une jeune institutrice d’une vingtaine d’années qui enseigne dans une école primaire catholique dans une enclave protestante de la ville. Son père a été tué. Le frère de Cushla, Eamon, a repris le pub familial pendant que leur mère, Gina, se noie régulièrement dans le gin. Cushla prête main forte à son frère le soir au pub. C’est là qu’un soir, justement, se pointe un bel avocat protestant : Michael Agnew. Coup de foudre immédiat réciproque. Ce n’est pas l’homme qu’elle devrait aimer : il est marié, il a un enfant (ce dernier point, elle l’ignore), il est bien plus âgé et il est protestant ! Ça fait beaucoup dans une société nord-irlandaise sur le qui-vive en permanence. Mais Cushla n’écoute que son coeur et c’est un grand coeur (elle le porte en elle par son prénom même). Elle se lance à coeur perdu dans cette liaison folle et passionnelle. Le reste du temps, elle tente de prendre soin de Gina, qu’elle a toujours peur de voir succomber à un coma éthylique. Elle prend également sous son aile un de ses élèves, Davy, 7 ans, dont le père a été gravement blessé par une agression de faction protestante. La famille entière est dans la mouise tant financièrement que psychologiquement. Cushla tente de les aider par l’intermédiaire de son directeur d’école, un ecclésiastique âpre. Tommy, le frère aîné de Davy se remet mal de l’agression de son père. Cushla tente de le persuader de continuer ses études. Elle lui prête des romans, aussi. Quant à Michael, elle le voit dans le plus grand secret, personne ne sait. Elle donne des cours d’irlandais aux amis protestants de son amant. Des « bohèmes » habillés comme des gens d’une époque révolue. On les imagine bien dans quelques manoirs tombés en ruines. Tout se passe relativement bien dans le groupe, même si certains ne peuvent s’empêcher quelques piques et préjugés envers les catholiques, en présence de Cushla.

C’est un roman que je verrais bien adapté en film. L’écriture de Louise Kennedy est cinématographique, chaque geste est décrit, scruté, épié. On ressent le malaise comme si on y était. Dans mon esprit, les images étaient en noir et blanc. Un peu comme un film des années 40-50. C’était étrange. Le malaise, c’est aussi le drame que le lecteur sent poindre sans pour autant deviner la totalité de l’engrenage des faits. L’autrice joue sur le point de tension, une accélération qui va crescendo : le piège se referme sur Cushla et Michael comme un collet. 😱 De quoi devenir paranoïaque.

Je n’ai pas eu un avis très tranché sur Michael, que j’ai globalement bien aimé, mais dont le côté « Don Juan » modère la sympathie qu’on peut lui trouver. Il a un côté lâche dans sa vie privée, alors qu’il est exemplaire dans sa vie d’avocat en défendant la cause républicaine, les catholiques victimes des gens de sa communauté. Cushla, quant à elle, est une jeune femme libre, passionnée, au caractère fort, qui jure comme une charretier. Je l’ai trouvé très mûre pour son âge. Pas du tout prude ou hypocrite. Cependant prudente. Mais il faut croire qu’à l’époque des troubles, cela ne suffit pas. Un mot, un geste et tout peut déraper.

Je me suis pris une claque que je ne peux pas vous révéler sous peine de spoiler. Ce roman m’a emportée mais ne pensez pas qu’il s’agit purement d’une romance. Louise Kennedy décrit de manière magistrale la société nord-irlandaise des années 70.

Côté traduction, je me suis posé quelques questions sur les appels de note bourrés d’erreur : où on lit que « Derry » est « l’abréviation de Londonderry, deuxième ville d’Irlande du Nord après Belfast, et siège du Bloody Sunday le 30 janvier 1992 » (p. 185) : absolument délirant !!! Faut le faire, autant d’erreurs en si peu de lignes !😤 J’ai vu aussi des Gitans (vraiment ?) et à plusieurs reprises on vous fait boire de l’ « irish-coffee ». A 24€ le bouquin, j’aurais aimé un peu plus de qualité dans la relecture.

Heureusement, l’excellente qualité de l’histoire vous fait oublier ces erreurs.

Ce livre a reçu le prestigieux prix irlandais An Post dans la catégorie « Eason : book of the year » 2022.

J’ai adoré et ne peux que vous inciter à découvrir ce livre.

Louise Kennedy sera au Centre culturel irlandais à Paris le 28 mars. Je regrette déjà de ne pas pouvoir être présente, je serai en vadrouille.

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour Troubles – Louise Kennedy

  1. Le lire en Anglais alors? Si la traduction est misérable ce peut être une solution ?

    Aimé par 1 personne

    • Maeve dit :

      La traduction n’est pas misérable, sinon j’aurais lâché l’affaire et effectivement lu en anglais (ce que je fais parfois), mais il y a vraiment un 3 erreurs monumentales dans l’appel de note cité, assez incroyable et des fautes d’orthographe…

      J’aime

  2. alexmotmots dit :

    Tu donnes envie de découvrir ces personnages.

    Aimé par 1 personne

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