
Quoi de mieux que de digérer son réveillon et repas de Noël en refaisant surface sur le blog pour rédiger un billet sur un de mes coups de coeur de l’année : le mythique Country Girls d’Edna O’Brien ?
Je l’ai terminé il y a une bonne quinzaine de jours (je devrais dire j’ai terminé les trois romans contenus dans ce volume, en fait, qui se découpe en Country Girls ; Seule; La félicité conjugale, sans parler du copieux Epilogue qui clôture cette fresque ).
Je ne vais pas me risquer à faire une analyse approfondie de cette oeuvre mythique, qui m’impressionne beaucoup trop : je n’ai pas cette prétention, malgré mes compétences littéraires [oui, j’ai fait des études de lettres]
Nous suivons Baba et Caithleen de leur adolescence (14 ans) à leur vie de jeunes femmes qui ont bien l’intention de s’amuser un max, puis de femmes mariées. Il y a un drame, que dis-je ? plusieurs drames, c’est même pétri de drames, mais pourtant c’est tout sauf larmoyant, même si cela est émouvant, en particulier la fin, qui m’a mis un uppercut – au moment où je ne m’y attendais pas, évidemment ! On se surprend à pouffer de rire ou à faire des yeux comme des billes au regard de l’audace de l’autrice, qui savait parfaitement ce qu’elle faisait ! 🙂 Bref, une lecture riche en émotions variées vous attend !
Baba et Caithleen, au début vivent dans un trou perdu de la campagne irlandaise, entre Limerick et Nenagh, je ne me souviens plus exactement où. Au début, j’ai eu du mal à comprendre comment elles pouvaient être amies car franchement, Baba est une peste, je ne l’ai pas du tout aimée. Elle est prétentieuse et méprisante, elle rabaisse souvent cette pauvre Caith. Leur caractère est diamétralement opposé et pourtant, elles sont inséparables bien, qu’en plus, elles viennent d’un milieu social complètement différent. Baba est une mini-bourgeoise dont le père est vétérinaire, elle vit dans une belle maison et tout et tout avec son père et sa mère. Caith vient d’un milieu plus modeste et sa famille est en vrac : un père alcoolique et violent qui se plaît à disparaître quand ça lui chante et à dilapider sa paie dans des pintes ; une mère en apparence plutôt soumise mais qu’on découvre sous un autre jour avant qu’elle ne se noie. Un jour, Caith décroche une bourse scolaire pour aller étudier chez les Soeurs au couvent. Baba y est admise. Et c’est là que commencent leurs quatre cents coups.
Je ne vais pas tout vous raconter, ce serait parfaitement stupide, mais en plus c’est impossible car c’est une oeuvre dense, très détaillée : tout y est. Vous ouvrez le livre, vous commencez à lire et Edna O’Brien vous emporte littéralement dans son univers, l’Irlande des années 60. Vous franchissez la frontière fictionnelle sans effort et en même temps sans rupture. Rien ne manque, tout est décrit avec soin : vous ressentez l’air vivifiant, la pluie qui mouille, humez l’odeur de la cuisine, vous avez le goût des tasses de thé, les virages des routes sinueuses, l’herbe verte qui scintille après la pluie… Pourtant, ne pas s’y méprendre : la prose d’Edna O’Brien n’est pas du tout celle de Proust ! Il y a beaucoup de dialogues, de changement de focalisation, le ton est souvent irrévérencieux.
Vous croiserez beaucoup d’hommes et Edna O’Brien leur fait juste la peau !!! Chacun à sa manière est insupportable. La société patriarcale irlandaise est écorchée à vif sous la plume de l’autrice. Je ne vous raconte même pas ce que prenne dans la tronche les gens d’Eglise : c’est hilarant. Il y a même un type français dans l’histoire, qui est surnommé Monsieur Gentleman : tout un programme ou comment profiter d’une ado en fleurs pourrait être le résumé…
Vous pérégrinez un chouia dans les rues de Dublin, et partant dans la capitale irlandaise après demain, je m’étais dit que rechercherais la pension de famille où habitent les deux héroïnes (oui, j’adore chasser les fantômes, c’est un de mes passe-temps favoris !). Puis vous partez à Londres puisque finalement, elles finissent pas quitter Dublin pour la capitale britannique. A l’instar de leur créatrice dont on sent ici une part de vécu.
Malgré ses soixante piges, ce livre n’a pas pris une ride. On ne va pas parler de l’affaire Pelicot, mais on se rend compte que les femmes aujourd’hui, continuent à morfler à cause d’hommes franchement à vomir – même si tous les hommes ne sont pas ainsi, on peut tout de même s’interroger sur ce qu’ils ont dans la tronche pour être aussi pervers et cruels. Tous les jours ou presque, on a notre lot de scandale sexuel, ici en France. On n’a rien à envier à l’Irlande en la matière. Pensez à l’abbé Pierre pour ne parler que de ceux qui pensaient l’emporter dans la tombe mais même morts, on est en train de déterrer des pourris…
Bref, ce roman résonne d’une actualité absolue, d’un féminisme absolument moderne et intelligent (oui parce qu’il y a aussi du féminisme carrément con) qui règle ses comptes à la société prétendument menée par des hommes qui se font tout de même massacrer par la littérature et tout le monde le sait : la littérature est immortelle. On rigole comme des dingues de leur ridicule de petits coqs sous la plume d’Edna O’Brien.
Vous l’aurez compris : IL FAUT LIRE CETTE TRILOGIE que je classe parmi mes coups de coeur de l’année.
Quelques extraits :
« Veux-tu, pour l’amour du ciel, cesser de demander aux types s’ils ont lu les Gens de Dublin de James Joyce ? Ils s’en foutent. Ce qu’ils cherchent, c’est à passer la nuit. Bouffe et bois autant que tu peux, et laisse Joyce faire tout seul sa pub.
– Il est mort. «
« J’achetais des soutien-gorges bon marché. Baba assurait que les soutien-gorges perdaient au lavage leur élasticité ; par conséquent, mieux valait en acheter de bon marché, et les porter jusqu’à ce qu’ils soient sales. Nous jetions les sales aux ordures(…). »
« Elle sortit son stylo de sa poche, ainsi qu’une jolie image pieuse bleu ciel, qui représentait la Sainte Vierge sortant des nuées, un manteau bleu déployé derrière elle.
– Ecris-le, toi, dis-je.
-Nous signerons nos deux noms », dit-elle en s’agenouillant.
(…)
-Rends-toi compte, continuait Baba, elle a lu tout haut : « Le père Tom a enfoncé son long machin… » et quand elle a compris de quoi il retournait, elle s’est mise à tempêter à travers la salle de récréation. Elle a frappé plusieurs filles avec sa ceinture en gueulant : « Où sont-elles, ces enfants de Satan ». (…) Maintenant, toutes les filles poussaient des cris; pourtant, la moitié des petites ne comprenaient pas de quel machin il était question ».
Et pour clôturer cette chronique, je vous souhaite presque en retard, un joyeux Noël !
Nollaig Shona… 😉

Je suis en train de la lire : j’en suis au second tome, et je me régale.
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N’est-ce pas ?🤗
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