Je suis curieuse : j’aime bien découvrir de nouveaux auteurs. Cette rentée littéraire est plutôt riche en la matière dans ma pile personnelle, avec les auteurs irlandais dont j’ai parlé dans mes précédentes chroniques. Mais il n’y a pas que l’Irlande dans la vie (n’est-ce pas ? 😉 ), il y a aussi des auteurs méconnus en littérature française.
Je vous présente donc Pierre Autin-Grenier est né en 1947 à Lyon et décédé en 2014. Auteur de prose poétique, de récits et de nouvelles. Il a publié notamment Le radis bleu (2005)
Je me suis plongé dans Friterie-Bar Brunetti, à peine plus de 100 pages. Un hommage aux bistrots et autres troquets bien franchouillards. Eh oui, si les Irlandais se plaignent de la disparition des pubs, la France voit ses cafés suivre le même chemin. Pierre Autin-Grenier les fait revivre d’une prose haute en couleurs, pleine d’humour et de poésie. Du pilier de bistrot, à l’ouvrier qui vient se rincer le gorgeon, en passant par dame Loulou montée sur talon d’escarpin, rien ne manque. Poésie de comptoir.
« Quand je pense aussi à ces pauvres bougres qui s’essoufflent jour après jour à boursicoter comme broutent les baudets au bout d’une corde et, le kiki serré d’angoisse, taquinent le C.A.C. pour tenter de s’en sortir, étendre au-delà de leur paillasse un empire de pacotille, qui grenouillent à perdre haleine dans l’immobilier pour vendre du sommeil au fleuron de l’immigration et tirer de ce manège matière à nourrir dans la rudesse une triplette de rejetons, mâles et femelle confondus, tandis qu’ayant moi-même abandonné tout projet de projéniture dans les limbes je donne l’apparence d’un qui se goberge de bons vins, sans cesse ne songe qu’à faire bamboche avec la bohème du faubourg aux frais, bien sûr, de la princesse, se la coule douce au soleil sous les palétuviers roses et ne montre en cela nulle marque de repentir ni n’a seulement souci du temps qui passe, alors, oui, c’est quasiment comme une sorte de honte qui me vient !
C’est comme ça que m’est arrivée cette idée saugrenue de quand même brosser à ma façon quelques histoires maintenant anciennes et tellement oubliées de la Friterie-bar Brunetti, maison fondée en 1906 au 9 rue Moncey et aujourd’hui disparue. »
« Domi, notre cantonnier, accroché à balai et brouette toute la sainte journée et qui connaît mieux la place du Pont que mulot son terrier comme s’amuse à le rappeler madame Loulou, il a sa vie durant voyagé de la sorte entre pavé, caniveaux et comptoirs ; deux coups de balai un coup de rouge vite fait bien fait et une portion de frites sur le pouce avalée, le voilà regonflé qui repart l’automne à la feuille morte, l’hiver à gadoue, à pas grand-chose l’été. »
Un texte court, des phrases à la « Marcel » (celui de la Madeleine) mais un ensemble très travaillé qui a su me séduire et m’étonner.
Je ne suis pas un héros ou la réalité vue par l’absurde. Le concept, qui fait mouche et je l’apprécie Je ne l’ai pas lu d’une traite, je l’ai picoré au gré de mes envies. L’humour, encore lui, fait mouche !
« Une andouillette abandonnée par ses parents »
« Alors tout d’un coup je me suis senti comme une andouillette abandonnée par ses parents. Et même par l’humanité toute entière. Seul dans un poêlon oublié sur le gaz au creux duquel le beurre commence à brûler. Je réclamais une lichette de vin blanc pour adoucir cette douleur d’être né, aussi ce grésillement nauséabond de vie autour de moi. »
L’homme-andouillette a du souci à se faire… 🙂
Deux livres à la prose très recherchée, qui sortent de l’ordinaire, dont on prend plaisir à la lecture.
Merci aux éditions de La Table Ronde d’avoir réédité ces oeuvres dans la collection « La Petite Vermillon ».
A découvrir.