Traduit par Anna Gibson
Dans les années 60 en Irlande. Nora Webster vient de perdre son mari décédé de maladie. Elle a 4 enfants, peu d’argent. Vend la maison pour survivre le temps de trouver un emploi. Sa vie, qui tournait autour de son époux et de sa famille, a basculé. Elle va apprendre à se retrouver, à prendre de nouveaux repères et finalement devenir une femme libre, ce qui n’a rien d’évident dans l’Irlande de cette époque, surtout quand on habite une petite ville, un petit village où tout se sait, où le commérage va bon train, surtout à la messe.
Le début du livre est sympa car il y a des allusions aux personnages de Brooklyn, le précédent roman à succès de Colm Tóibín, adapté (de façon édulcoré selon moi) au cinéma.
J’avais beaucoup aimé Brooklyn qui était ma première lecture de l’auteur. J’en attendais autant de celui-ci. Pourtant, je vais y aller tout droit, bien que je déteste absolument dire du mal de la littérature irlandaise, surtout quand il s’agit de maîtres incontestés, mais franchement je me suis ENNUYÉE assez copieusement.
C’est d’autant plus gênant de dire du mal de ce roman quand il s’agit de la vie de la mère de l’auteur.Là, ça me gêne pas mal.
Le personnage de Nora est intéressant et je l’ai trouvé sympathique : c’est quelqu’un qui a du caractère, ne se laisse pas marcher sur les pieds, un coeur énorme du genre à donner sa chemise pour rendre service, avec qui la société et en particulier le monde du travail n’est pas toujours tendre. Mais elle sait faire entendre sa voix avec force et raison et retombe sur ses pieds. Même si elle se laisse embrigader un peu malgré elle dans le syndicalisme (très peu de temps, cela dit car elle voit à qui elle à affaire). Ou dans un genre de « questions pour un champion » local pour rendre service à une collègue. Ou encore pour des vacances avec une tante dont elle sait, même avant de partir, qu’elle va le regretter.
Quelques épisodes m’ont amusée tout de même : le premier passage chez les coiffeur pour une couleur (qui stupéfie tout l’entourage et elle encore plus que les autres) ; la malédiction qu’elle jette aux religieux de l’école des Frères chrétiens, dont le directeur a osé rétrograder son fils de classe derrière son dos : extra ! L’épisode des vacances avec la tante acariâtre qui ronfle comme un sonneur.
On aperçoit des événements de l’histoire de l’Irlande, comme les émeutes en Irlande du Nord, et ce qui est le Bloody Sunday (même si ce n’est pas nommément cité). Les répercussions vengeresses à Dublin.
Un roman intéressant en ce qui concerne les conditions de travail des femmes dans les bureaux. Nora a, qui plus est, affaire à une virago hors-pair mais à qui elle sait clouer le bec pour qu’elle lui fiche la paix !
Pourtant, globalement, je le repète, je me suis ennuyée. J’ai cherché à savoir pourquoi. Je me dis que c’est peut-être dû à l’écriture elle-même (ô rage ! que je déteste écrire ça, sorry Colm !). J’ai trouvé que c’était assez plat au niveau du style. Je n’ai pas retrouvé le « piquant » que je trouve chez Dermot Bolger ou Joseph O’Connor. Ce n’était, de mémoire, pourtant pas mon impression avec Brooklyn. Et il y a pas mal de longueurs qui m’ont fait traîner, faire des efforts pour terminer le livre. Dommage. 😦 Le roman aurait mérité quelque chose de plus condensé pour gagner en force.
Extraits :
« Nora mit au point un code à son propre usage pour identifier les représentants. TC signifiait Très Chauve, SO Sac d’Os. GS Grand Sourire, J Jockey, DP Dents Pourries, PL Pellicules. (…)
Mlle Kavanagh se querellait avec tout le monde, sauf avec William Gibney Senior et ses deux fils. Dès que ceux-ci se montraient, elle n’était que sourires et courbettes, mais dès qu’ils avaient le dos tourné elle convoquait dans son bureau l’une des dactylos ou des aides-comptables les moins rémunérées et lui hurlait dessus, ou alors allait dans la grande salle, s’approchait d’une fille par-derrière et criait : « Que faites-vous ? Que faites-vous à cet instant qui justifie votre présence entre ces murs ? »
« Elle l’a tellement poussée à bout qu’un jour la pauvre femme a ouvert une armoire et s’est mise à jeter les dossiers en l’air en hurlant des choses sur le compte de Miss Francis qui n’étaient pas jolies à entendre. »
« Nora assista à une réunion syndicale; la discussion s’enflamma sur le thème de savoir qui ferait partie du comité et qui détiendrait quelle position au sein de ce même comité. Elle n’y retourna plus. »
« (…) La syndicalisation ne changeait pas grand-chose pour les employées administratives, dont le nombre baissait peu à peu sans donner matière à protestation. »
« Elle était en forme à présent, excitée par l’idée de la journée à venir. Elle alla dans la salle de bain et prit une douche froide. En revenant, elle vit à sa montre qu’il n’était que cinq heures. Elle enfila son maillot, une robe et des sandales, fourra sa serviette de bain et des sous-vêtements dans un sac et sortit de l’hôtel à pas de loup. La moindre rencontre eu suffi à briser l’enchantement. »
« L’idée de ce qu’elle pourrait faire des pièces du rez-de-chaussée la tenait éveillée la nuit. Elle devait faire un effort pour se rappeler qu’elle était libre, que Maurice n’était plus là pour s’inquiéter du coût ou renâcler devant tout ce qui risquait de déranger ses habitudes. Elle était libre. »
Bon, je ne le noterai pas alors.
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Je te conseille plutôt le dernier Dermot Bolger et le dernier Edna O’Brien (exceptionnel, j’en parle bientôt).
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