Musique d’un puits bleu – Torborg Nedreaas

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Traduit par Régis Boyer

On entame notre 7e semaine de confinement. Je lis toujours comme un escargot. Néanmoins une belle occasion de lire les livres qui dorment dans la bibliothèque depuis trop longtemps. Encore un roman acheté à Livre Paris l’an dernier. L’aventure est au coin de la bibliothèque puisque j’ai découvert une auteure norvégienne quasi inconnue en France : Torborg Nedreaas (1906 – 1987). Musique d’un puits bleu a été publié en 1947 en Norvège et bien plus tard en France (2009 si j’en crois l’édition mais pourtant préfacé en 1980 par Régis Boyer). Je me suis volontairement abstenue de lire la préface pour garder mon impression personnelle de ce livre.

Herdis est une enfant de Bergen. La ville n’est jamais citée, mais on le devine par le noms des quartiers qui apparaissent au fil des lignes. Au début du roman, c’est une petite fille, attirée par un vieux puits à mauvaise réputation. Raison de plus, quand on est une enfant intrépide pour s’y intéresser !

« C’était seulement le nom qui était bleu. Pour le puits, il était noir, ou  gris argent, ou vert bouteile, ou brun tourbe. Autrefois, il y avait dessus un couvercle peint en bleu. C’est pour cela qu’on disait : le puits bleu. On disait : il ne faut pas au puits bleu, Petit-Lars est tombé dedans, une fois. La maman de Herdis disait : si tu vas au puits bleu encore une fois, ce sera une fessée.
Herdis se sentait attirée par le vieux puits comme par une aventure inconnue. (…) Il y avait de la musique au fond de ce puits. »

Arriva ce qui arriva et que l’on devine presque dès les premières lignes : Herdis tombe dans le puits.  J’ai tout de suite pensé à Alice au Pays des Merveilles. Ne vous imaginez pourtant pas que vous allez passer le reste du roman au fond du truc ! Elle en ressort. Le puits disparaît ensuite. Difficile de résumer avec précision Musique d’un puits bleu parce que c’est un roman complexe sous une allure de simplicité. Herdis est une fillette qui devient adolescente dans la Norvège du début du XXe siècle, au moment où éclate la Première Guerre mondiale, où ses parents se séparent. Un père germanophile, ce qui est mal vu ; une mère d’ascendance juive. La gamine est un personnage attachant, c’est une rêveuse, elle est curieuse. C’est aussi un caractère bien trempé. Elle attend avec impatience ce voyage au Danemark, seule avec son père. Ce père lui a également acheté une bicyclette. Peu à peu, elle sent bien que le monde, comme sa famille, ne tournent pas rond, elle perd sa naïveté, elle surprend les bribes de conversation des adultes. Ils sont bizarres, les adultes !

« (…) un jour aigre et orageux de janvier, tout lui fut arraché des mains. Les mauvaises énigmes remontèrent du puits et s’amoncelèrent pour former une unique vérité ardente qui se rua sur Herdis comme une méchante tempête glaçante, faisant voler en éclat tout ancrage, elle la chassa d’un mur à l’autre le soir meme où l’incendie faisait rage sur la ville (…) ».

De bonne élève assidue, elle se met à manquer l’école, ce qui étonne la directrice. Elle raconte des choses étranges. Son père fait une tentative de suicide. Et puis il y a cette crise d’appendicite. Et puis, il y a les trahisons, les mesquineries d’adolescentes, les petites blessures…

« C’est colossalement affligeant de n’avoir absolument aucun amoureux. Mais ce n’est quand même que la chose qui vient avant le pire de tout. Car le pire de tout, c’est d’avoir un amoureux qui ne veut pas de vous comme amoureuse. Et c’est comme du sel et du poivre qu’on verserait sur une plaie ouverte quand en plus de cela, il est amoureux d’une autre. »

Ce roman possède un charme désuet. Il émane de la plume de Torborg Nedreaas (à travers la traduction du maître de la littérature scandinave, Régis Boyer) une fausse simplicité, une vraie profondeur. 416 pages d’un roman d’apprentissage dense, qui m’a ravie, par son mystère et sa singularité. Suffisamment pour capter mon attention en ce moment difficile que nous vivons, où, contrairement à ce que l’on voudrait bien nous faire croire, le confinement n’est pas forcément propice à la lecture. Pourtant, ici cela a fonctionné : j’ai vraiment dégusté ce livre, qui se prête sans doute mal à une lecture dans les transports en commun, me semble-t-il.

Musique d’un puits bleu garde une partie de son énigme. J’ai beaucoup aimé ! Merci aux éditions Cambourakis d’avoir édité ce texte.

 

 

 

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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2 commentaires pour Musique d’un puits bleu – Torborg Nedreaas

  1. alexmotamots dit :

    C’est bien aussi, de lire comme un escargot et de prendre son temps, non ?

    J’aime

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