Traduit par Marie-Hélène Dumas
Voici l’un de mes achats de confinement, Villa Chagrin, de l’Américaine Gail Godwin que je n’avait jamais lue. Une île en Caroline du Sud, voilà ce qui m’a attirée ! Ma liseuse a donc repris du service, toutes les librairies étant alors fermées.
Marcus a 11 ans 5 mois 4 jours quand il perd sa mère dans un accident de voiture. De père inconnu, le gamin est d’abord placé en famille d’accueil. Puis la tante de sa mère, Charlotte, va bouleverser son destin en le recueillant chez elle, sur une île perdue de Caroline du Nord où elle vit seule, presque recluse. Tante Charlotte est artiste peintre, bohème. La compagnie de ses oeuvres lui suffit. Elle en vit, grâce à une galerie d’exposition virtuelle. Recueillir son petit-neveu va lui permettre de mettre un petit pécule de côté. Au début, c’est ce que pense Marcus : qu’elle ne l’accueille chez elle que pour l’argent. Il ne sait encore pas que cette femme excentrique mais libre va mettre du piment dans sa vie, remuer beaucoup de choses dans son esprit, en lui parlant d’une maison maudite sur l’île, surnommée « Villa Chagrin » par les habitants.
Villa Chagrin est une vieille maison, qui est passé entre les mains de plusieurs propriétaires. Les derniers ont été victimes de l’ouragan Hazel qui a ravagé les lieux en 1954. Personne ne sait exactement ce qui s’est passé, on dit que les parent étaient partis à la recherche de leur fils, un adolescent, mais que celui-ci n’a jamais été retrouvé. On dit qu’il serait mort dans l’incendie de la maison. On dit qu’il aurait mis le feu à la maison. On dit qu’il n’était pas à l’intérieur, On dit beaucoup de choses sur lui et sur cette histoire qui a valu à la maison le surnom qu’elle porte aujourd’hui, Villa Chagrin. Tante Charlotte apprend à Marcus que des livres ont été écrits sur le sujet dans les années 70. Il n’en faut pas plus au jeune garçon pour s’intéresser au sujet, et se rendre à la bibliothèque pour en savoir davantage.
« Tu pourras y chercher des histoires sur les gens qui ont disparu dans un ouragan. Quant aux fantômes, il y a cet homme en gris qui apparaît sur la plage avant chaque tempête. Certains disent qu’il porte l’uniforme des confédérés, d’autres que ce sont des vêtements gris ordinaires. S’il regarde droit vers ta maison, elle ne sera pas emportée. S’il détourne les yeux, mieux vaut évacuer les lieux. »
Marcus va devenir hanté par l’adolescent disparu, d’autant que son fantôme lui apparaît, inlassablement vêtu d’une chemise rouge passé, d’un jean et de boots. Des apparitions perturbantes, qui vont l’entraîner à la recherche d’un autre garçon : lui-même. Il ne parle à personne de ces apparitions, par peur du psychiatre. Il y a une raison.
Peu à peu on découvre le passé de Marcus : une violente brouille avec son meilleur ami, Siffleur (parce qu’il souffre d’asthme !), un gamin friqué alors que lui vit dans une grande pauvreté avec sa mère qui trime dans une usine de fabrique de meubles. Une curiosité malsaine de Siffleur va être à l’origine d’un drame qui hante Marcus autant que de connaître le nom de son père.
Marcus est mystérieux. Tout comme Tante Charlotte et Lachicotte, voisin et ami de Charlotte. Il va devenir un père de substitution pour Marcus. Tante Charlotte va se lancer dans un projet secret. Elle interdit à quiconque d’entrer dans son atelier. Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu…
Mystère, c’est bien le maitre mot de ce roman envoûtant qui creuse le passé, joue avec le temps et l’imagination. « On voit ce qu’on veut voir. Ou on imagine ce qu’on a vu », déclare Tante Charlotte à Marcus. Le garçon disparu il y a cinquante ans, l’homme à la peau tannée sur la plage, l’homme gris du temps des la guerre de sécession. On côtoie les morts et les vivants.
Il est beaucoup question des tortues cacouannes qui hante la plage de cette île depuis des millions d’années, selon le même rituel immuable.
Gail Godwin creuse les rapports que nous entretenons avec les morts. « J’avais beaucoup à apprendre sur les relations entre les morts et les vivants », dit Marcus.
« Nous travaillons de l’intérieur. Et je ne parle pas de l’intérieur de la maison. Mais de toi. Le bon côté, le seul bon côté de tout ça, c’est que tu n’as pas besoin de me voir ou d’imaginer à quoi je ressemble. Je suis au-delà de l’apparence. Je suis en toi pour pouvoir me camoufler derrière ton apparence à toi. »
L’autrice explore également la face sombre que nous avons tous au fond de nous. D’une manière originale. Qui est finalement ce garçon disparu ? Je dirai une sorte de faux jumeau de Marcus.
Villa Chagrin flirte avec le fantastique en laissant l’imagination reine.
Un roman d’apprentissage qui raconte la difficulté de grandir, mais aussi de vivre avec ses démons.
Je me suis sentie bien sur cette île mystérieuse, hantée par son passé où l’on pourrait croiser les planteurs de riz d’un temps révolu au détour d’un chemin.
Marcus, Charlotte, Lachicotte vont me manquer !
Gail Godwin est méconnue en France, pourtant primée aux Etats-Unis. Elle a écrit de nombreux livres : pour en savoir plus sur l’autrice, je vous renvoie chez son éditrice, Joelle Losfeld, ICI .
Une belle découverte qui a embelli mon confinement.
Une ambiance mystérieuse qui me tente.
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