
En France, soyons clair, on n’y connaît rien ou si peu à l’histoire du Liban. Si vous êtes né à partir de la guerre civile de 1975, vous n’aurez sans doute entendu parler que de la guerre civile. C’est exactement les souvenirs que j’ai en tête quand on me dit « Liban ». Je revois vaguement la télé allumée, les images d’une ville dévastée :Beyrouth. Mon père qui se révolte de pareils saccages. Depuis, il dit souvent « On dirait Beyrouth » quand il voit des routes défoncées ou des coins délabrés. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est resté dans nos expressions familiales (ne pas taper, amies beyrouthines !, c’est plein d’affection 😉 ). Cela dit, je ne sais toujours pas exactement pourquoi ce pays m’attire mais ce n’est pas à cause de la guerre, évidemment, plutôt le mélange de cultures !
Pour y voir plus clair dans cette histoire compliquée, j’ai commencé par L’äge d’or de Diane Mazloum qui évoque le Liban d’avant. Le roman commence en 1967. Et s’achève en 1979. Je le dis tout de suite, je me suis régalée ! Diane Mazloum évoque deux personnages emblématiques du Liban ; quand je dis « personnages », je devrais dire « personnes » : Georgina, une adolescente beyrouthine qui deviendra la première Miss Univers libanaise, et son anti-thèse, Ali Hassan, un jeune Palestinien exilé, qui deviendra le chef de guerre le plus recherché, tant par le Mossad (services secrets israéliens) que par le Fatah palestinien, « cellule secrète » devenue plus importante et plus radicale que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat.
Diane Mazloum s’empare de ces deux personnages, qui sont finalement un quasi-prétexte, pour vous raconter le Liban où l’on s’amusait, en pattes d’eph, rock’n’roll et cheveux au vent. Le Liban est un pays qui vit à l’Occidental. La belle Georgina ne rêve que de casting et de produits de beauté. Elle est d’une famille chrétienne aisée. Son amour s’appelle Roland. Il y a le petit Micky qui veut écrire sur le Liban. Ali Hassan, lui, ne vit pas dans cet univers insouciant. Il n’est pas né au Liban mais en Palestine. Son père a été assassiné quand il était enfant. Sa mère le pousse depuis longtemps à le venger. Ali Hassan s’avère très intelligent, très malin, très charismatique. Très beau. Le vrai « bad boy » pour jeunes filles en fleurs ! Mais finalement, tout cela n’est qu’un prétexte. Ne croyez pas à une romance.
En effet, Diane Mazloum s’attache, dès le début, à montrer l’ombre qui plane sur le pays, les prémisses d’un effondrement. Pour cela, elle accorde une dimension importante à l’Histoire dans son récit. C’est quasiment un travail de journaliste. Le Liban est à ce moment-là une petite Suisse jalousée par tous ses voisins, qu’ils soient arabes ou hébreux. Le Liban n’a pas d’armée. Juste quelques avions offerts par les Américains. La tension monte entre les pays arabes et Israël sur la question palestinienne. En particulier entre l’Egypte et Israël.« Voilà vingt-quatre heures que hostilités israélo-égyptiennes s’aggravent. Jérusalem et Le Caire s’accusent mutuellement d’avoir déclenché le conflit : combats acharnés entre blindés dans le Néguev, mouvements d’avions et de troupes vers le Sinaï, bombardement de villages à Gaza. La flotte aérienne des Egyptiens a été détruite avant même de décoller. En dehors de quelques appareils, il en va de même pour les Mig 21 syriens. Tous les aérodromes du Moyen-Orient sont interdits à la circulation. Seul le Liban est épargné. » La guerre des Six Jours déclenchée par Israël contre ses voisins arabes va finir par ne pas épargner le Liban qui n’a pourtant pas voulu se mêler à ça. Mais un jour, le Liban abat un avion israélien (par erreur, semble-t-il). C’est le début de la fin. L’aubaine est bonne pour Israël. Mais également pour les membres de l’OLP réfugiés au Koweït. La cause du tir serait qu’Israël aurait violé l’espace aérien libanais. Israël dément, mais rien n’est très clair de leur part : que faisait donc ce Mystère israélien au-dessus du Liban ? De leur côté, les autorités libanaises démentent : ce n’est pas un avion de chasse libanais qui a abattu le Mystère israélien. Bref, un vrai sac de noeuds, déjà à l’époque. Chacun se renvoie la ba-balle ! Il va sans dire qu’Israël va riposter et dès le 28 décembre 1968 : « il est environ 2h30 quand un raid héliporté israëlien atterrit par surprise à l’aéroport international de Beyrouth et détruit méthodiquement la quasi-totalité de la flotte commerciale libanaise ». Sérieusement, j’ai hurlé de rage en lisant ça ! 🙂
Le Liban es un pays désarmé, neutre, grand comme le département de la Gironde. Sa neutralité va en faire l’ennemi du géant syrien qui ne le soutiendra pas pour régler la question des Palestiniens réfugiés au sud Liban, malgré les accord du Caire. Bref, le Liban est aussi bien l’ennemi des pays arabes voisins que d’Israël. Les Palestiniens sont comme les Roms d’Europe finalement : personne ne veut d’eux, même pas leurs frères arabes. C’est quelque chose que j’ignorais. Je pensais qu’ils étaient soutenus par la Jordanie, la Syrie et l’Egypte. Dès qu’il se passe quelque chose avec les Palestiniens, on accuse le Liban ! C’est ouf !
De leur côté, les jeunes Libanais chrétiens sont intrigués. Georgina a participé à une excursion au Sud Liban avec son école. « Georgina en profite pour déballer d’un air qui se veut distrait tout ce qu’elle a appris au sujet des Palestiniens, à savoir qu’en vrai les pays arabes n’en veulent pas, de ces pauvres réfugiés, qu’ils les trouvent trop intelligents, travailleurs et modernes, du fait de l’influence des Anglais, et que de toute façon les pays arabes ne feront jamais rien pour améliorer les conditions de vie dans le camps, de peur, ajoute-t-elle, que ces camps soi-disant temporaires ne deviennent des villes permanentes. » Quelle ironie de la part de l’autrice ! En fait, Georgina n’est pas passionnée par ces questions israélo-palestiniennes. Ca lui paraît loin, elle est davantage préoccupée par ses plans de casting ! Elle ignore évidemment ce que l’avenir doublement incroyable lui réserve : se marier à Ali-Hassan, THE Palestinien engagé et devenir Miss Univers, l’Emblème du Liban ! L’histoire est vraie. Certes romancée par l’autrice, mais c’est vraiment incroyable. Une chrétienne un peu volage et un musulman engagé. Deux antithèses qui finalement sont les deux visages du Liban. Ali-Hassan est un personnage complexe, c’est ce que montre Diane Mazloum. Il est dangereux mais on s’attache à lui. La fin du roman est dramatique. Pour le couple comme pour le Liban.
La tension va monter en puissance d’année en année, Israël ne rate pas une occasion, le Fatah non plus. Attentats. Même Arafat se désolidarise des exactions commises par les membres du Fatah. Des Palestiniens armés se mettent à arpenter les plages libanaises et à « improviser des check-points le long des routes », des milices phalangistes (chrétiennes) s’en prennent aux Palestiniens. La solidarité nationale se fissure : il y a les pro-Palestinien et les autres. C’est un vaste merdier qui s’installe durablement. Malgré les « Plus jamais ça! », « ce qu’avait crié tous les Libanais en choeur. De grandes photos qui s’étalent sur deux pages montrent des accolades entre musulmans et chrétiens ». Le Liban va se fracturer en une guerre fraticide aussi violente que stupide. Diane Mazloum le montre bien. Son beau mais petit pays n’est qu’un pantin malmené par ses voisins et dont les conséquences des intérêts extérieurs vont franchir ses frontières.
J’ai dévoré ce roman. Diane Mazloum va à l’essentiel tout en étant précise sur les événements. Elle n’épargne personne et sûrement pas le rôle joué par Israël dans tout ça. Il y a un personnage intéressant dans ce roman qui retient l’attention : c’est le jeune Ricky qui veut devenir un spécialiste du Liban.
J’ai beaucoup appris, c’est très intéressant et très facile à lire. Les personnages sont attachants. Peut-être le roman par lequel il faut commencer pour comprendre le pays. Je sais que certaines d’entre vous veulent le lire : j’attends vos chroniques avec impatience !

L’avis de Karine à lire ICI
L’avis de Marinette les Bas Bleus ICI
L’avis de Miriam ICI et ICI pour « Une piscine dans le désert
L’avis d’Anne ICI
Eh bien, on sent que cette lecture t’a passionnée. Je note, pour en apprendre plus sur ce pays.
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C’est vraiment LE roman qu’il faut pour comprendre le Liban moderne, on dirait ! J’ai des images d’actualité en tête ou, côté fiction, du Quatrième mur et de Valse avec Bachir, sans forcément avoir tout intégré des tenants et des aboutissants.
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Demain lundi, je parle d’un livre qui n’est pas une fiction mais un témoignage sur le Liban d’aujourd’hui. 😉
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Parmi les trois titres que tu as présentés pour l’instant, c’est celui qui me tente le plus.
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« Beyrouth 2020 » est top aussi, d’autant que ce n’est pas de la fiction mais du vécu.
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Moins enthousiaste que toi. Interessant,une leçon d histoire bien menée mais des personnages qui m ont déçue. Le bel espion macho. La ravissante idiote. Heureusement su il y a Micky
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J’ai trouvé que c’était pas mal pour se donner les bases quand on n’y connait rien.
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