
Elle a peur de le perdre, elle serre sa petite main sur le doigt de son géant. Pas besoin de parler, elle sent toutes ses émotions. Elle sent quand il a peur, quand il est tendu, quand il est stressé car il faut fuir. Ses petites jambes ont alors du mal à suivre. Beyrouth, 1983. Des pluies d’obus ou de tirs, imprévisibles. L’instant c’est la vie dans ce chaos. Avec ses parents, ils n’habitent plus dans leur appartement. Mais dans celui que des amis absents leur ont prêté.
« Les seuls moments où j’ai un peu peur, c’est quand il faut s’arrêter devant les soldats. Ils font des gestes des bras et des mains pour dire si on peut passer ou s’il faut s’arrêter. Ils arrêtent les gens pour leur poser des questions que je ne comprends pas bien. Ils demandent souvent où on va et je ne vois pas bien ce que ça peut bien avoir comme importance. Ils demandent aussi les papiers d’identité et ça non plus je ne comprends pas bien pourquoi. Je ne vois pas ce que ça peut bien leur faire, de savoir comment on s’appelle et quand on est né. Parfois ils crient sur mon géant et il n’y a rien que je déteste plus au monde, qu’on crie sur mon père. »
« Une fois en route, je me retournais souvent pour voir si elle avait peur, mais elle restait calme, comme d’habitude, et me souriait de temps en temps. A mi-chemin de la maison, je lui ai dit que le marchand de glaces était sûrement fermé à cette heure-ci. Demain on irait tous les quatre prendre un gros cornet de glace italienne au bord de la mer. Elle n’a pas insisté. Elle n’a pas répondu. Après une énorme détonation, je l’ai vue dans le rétroviseur, toujours calme, les deux mains sur les oreilles. »
Une petite fille et son père que l’on va suivre pendant une trentaine d’années. Entre le Liban et la France. Séparés mais finalement connectés l’un à l’autre, chacun dans leur solitude. Quand les choses deviennent trop insupportables au Liban, le père décide d’envoyer sa femme et sa fille à Paris. Pour leur assurer un avenir meilleur. Lui, il est journaliste, écrivain, poète. Quelque chose comme cela. La petite fille grandit. Déjà au Liban, elle se sentait différente. Très introvertie, elle reste à l’écart dans la cour de l’école. En France, elle déteste qu’on lui pose plein de question et qu’on la prenne en pitié.
« Les différents sont encore plus seuls à Paris qu’à Beyrouth. (…) J’ai passé six mois à me dire que je voulais rentrer. Je sais que je ne risque rien ici, il ‘y a pas de guerre, je suis en sécurité et c’est déjà pas mal. Je suis grande, je comprends très bien ces chose-là (…). Peut-être qu’un jour viendra, si je reste ici, où je me serais si bien habituée que je prlerai aussi bien français qu’arabe. Peut-être même que mon français, qui est déjà meilleur à l’écrit que celui de mes camarades de classe, évoluera jusqu’à commener à grignoter ma langue maternelle. Dans quelques années, je me mettrai peut-être à rêver en français. Je suppose que mon accent va vite disparaître(…) ».
Elle se lie d’amitié avec une fille qui affiche toujours un sourire était cousu sur son visage. Les deux solitudes se lient d’amitié. Mais finalement, il y a un tel gouffre destructeur…
Dima Abdallah parle d’enfance en ruines, de solitude, de différence, de liberté, celle de rester qui on est quitte à ne pas rentrer dans le moule, mais aussi de souffrance, de cette souffrance justement d’être en rupture de ban. De déracinement. Elle parle aussi de relation père-fille. De paternité. De regrets. De l’inquiétude d’être père dans un pays en guerre et puis d’être père d’une jeune femme exilé et qu’il sait fragile. Une histoire de déchirure sans fin.
C’est un magnifique roman, écrit comme une partition de musique. Car oui, il y un rythme, une musique dans la plume de Dima Abdhallah. Un roman douloureux mais aussi sensuel où l’odeur du jasmin et la marjolaine qui vous ramènent au pays.
Encore une belle découverte libanaise ! C’est un premier roman très réussi !
Décidément, ça vaut le coup de voyager en littérature !
Nous sommes plusieurs à avoir beaucoup aimé ce livre : Missk_paris et Cafe.psy.book
L’avis de Marinette ICI

Le rythme envoûtant de ce roman m’a beaucoup séduite aussi 🙂
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Il y a une véritable musicalité dans ses phrases au rythme ternaire.
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Décidément cette littérature libanaise procure de beaux ressentis 🙂
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Oui ! Très peu de déception jusque-là !❤
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Encore une belle découverte que tu nous proposes là? Il va falloir que tu réitères ce mois libanais pour nous donner l’occasion de lire tous les titres que l’on aura notés !
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Il n’est pas trop tard pour commencer, nous ne sommes que le 17 janvier.☺️😉
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Euh… Disons que le temps de se procurer les titres (d’autant plus avec ce nouveau couvre-feu), de les lire, de les chroniquer … non, c’est un peu juste pour moi, mais si tu renouvelles l’année prochaine, je serai au rendez-vous !!
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Bonjour Maeve,
Je ne sais pas où déposer le lien vers mon billet « libanais », du coup, je le colle ici ! :
https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2021/01/le-sang-des-promesses-volets-i-et-ii.html
Bon début de semaine.
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Merci ! Je vais rassembler dans le billet de clôture du Mois tous les liens vers nos chroniques sur les livres que nous n’avons pas en commun.😉
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Encore une pépite libanaise à noter et lire prochainement.
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Oui, très chouette roman.
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