
Quatrième roman que je lis de l’Irlandais Donal Ryan, sur les quatre parus en France. Roman, mais aux allures de recueil de novellas reliées entre elles par un fil ténu. C’est ce qui surprend. Chaque histoire est dense et fouillée.
L’auteur débute son roman en dehors des frontières irlandaises, avec le personnage de Farouk, médecin syrien forcé de fuir son pays, avec sa femme et sa fille. Le trio familial plaque tout pour une traversée maritime tout ce que l’on sait de risquée et périlleuse. Farouk finit par atterrir en Italie (dans ma tête c’était Lampedusa) mais seul. On le « parachute » ensuite par avion en Irlande. Farouk pense d’abord que sa femme et sa fille sont dans une autre partie du camp. La vérité va réveiller un fauve en lui, un accès de démence…
Puis nous arrivons dans les environs de Limerick, dans la campagne irlandaise où Lampy, jeune homme d’une vingtaine d’années vit avec sa mère Florence et Pop, son grand-père, personage haut en couleurs, radoteur et gouailleur, un chouilla raciste, mais très attaché au « gamin ». Pas de père dans la maisonnée. Un jour, Lampy a compris par la méchanceté infligée par un camarade de classe, ce que voulait dire le mot « bâtard ». Lampy est un personnage bonnasse, un bon gros naïf qui se fait arnaquer sur tous les plans. Il s’est fait plaqué par Chloé sur le parking du McDo, un coeur d’artichaut snob et fortunée. La loose ! Au niveau du boulot, ce n’est pas la joie non plus : il n’est pas du tout formé pour ça mais il travaille pour le patron de la maison de retraite, à surveiller les résidents et à les conduire en minibus, même par temps de gel.
Et puis il y a John, un vieillard au seuil de la mort. Il a passé sa vie à mentir – un vrai mytho de la mort ! -, à être malfaisant,colportant des rumeurs… comme pour se venger de quelque chose.
L’étranger, le bâtard, le pénitent. Le monde est vaste mais pourtant pas si grand. Il faut arriver à la toute fin du roman pour comprendre ce qui lie les uns aux autres, ces trois hommes en détresse. C’est peut-être le seul reproche que je peux faire à ce roman : on se demande trop longtemps où nous trimbale l’auteur. Mais ensuite ça fait mouche !!
Lampy est peut-être le personnage le plus sympathique du roman, l’agneau innocent. Le coeur brisé qui veut se barrer ailleurs pour oublier ses déboires sentimentaux, se refaire une vie meilleure ailleurs.
Au début, je n’ai pas trop aimé « le » Farouk qui vit en Syrie, un peu trop jaloux, le gars ! Il devient ensuite le migrant qui a risqué sa vie et perdu sa famille. Son histoire devient alors poignante. D’autant qu’il devient le « johnnie » (terme péjoratif mâtiné de racisme par lequel certains Irlandais désignent les personnes d’origine étrangère vivant dans le pays).
Quant à John, c’est le parfait connard. Le méchant. Mais une fois encore, le méchant a une histoire qui explique – en partie – le pourquoi il est devenu comme ça. Mais il a fait trop de choses impardonnables. Une vraie raclure. Le Diable pris des remords, le Diable qui fait acte de contrition, c’est finalement assez drôle, dans le registre humour très noir.
Donal Ryan écrit trois histoires tragiques sans pour autant se départir de son humour et de sa plume gouailleuse voire moqueuse par instants. Ce n’est pas un roman où l’on se tord de rire du début à la fin, certes, mais derrière les drames de vies brisées, derrière la noirceur, il y a une forme d’espoir, un retournement du destin. La fin est….. chhhhhhuuuuutttt !!! Je ne peux rien dire sous peine de briser le charme que vous aurez à la découvrir seul!😉 – et puis, à bas les spoilers, évidemment !
Un roman dense, plein d’humanité que j’ai adoré, avec en toile de fond les blessures d’enfance, les peines de coeur, le poids de la culpabilité, la migration (et son pendant, le racisme, mais juste survolé )… Il reste des mystères non élucidés et j’espère avoir l’occasion d’écouter Donal Ryan parler de son livre.
« En armures, ils vinrent de l’est,/Par une mer basse et tranquille./Nous étions nus, des brutes qui jetaient des pierres ;/Ils rirent, et puis nous massacrèrent «
Il l’avait lu avec douceur ; il y avait une sorte de musique dans sa voix. On pouvait presque imaginer les Irlandais nus regardant avec un étonnement stupide les monstrueux Vikings, tout en cuirasses métalliques et sabres étincelants, qui traversaient majestueusement la plage dans leur direction, tandis que cette populace ignorante fouillait le sable pour trouver quelque chose à lancer. »
Roman en lice pour le prix Jean Monnet 2021.
J’aimerais découvrir cet auteur, mais je pense commencer par un de ses romans parus en poche…
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Je crois que le 3e paru en France vient de sortir chez 10/18. Bonne découverte alors !
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Les personnages sont bien tranchés : un vrai mytho de la mort, un connard….
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😂
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