
Je reviens tout juste de mon périple estival, pas à cheval comme Louis Meunier, mais surtout à pied et en train, de la Côte de Goëlo (mon coup de coeur), au Bassin d’Arcachon (bof !), en passant par une escapade à la très chic Trouville, pour terminer en Haute-Savoie, jusqu’au lac Léman. Une bonne grosse bouffée d’oxygène pendant ces quatre semaines. Mes lectures ont été en adéquation avec mon activité de vadrouille. Merci aux trajets en train, sinon, je pense que je n’aurais pas lu autant. Avec 20 à 30 kms à pied par jour, c’est un très bon somnifère, mais le lendemain, on est frais comme un gardon ! Venons-en au livre… 🙂
Les dimensions sportive et écologique ont attiré mon attention. Et puis, c’est toujours amusant de (re)découvrir un pays par les yeux de quelqu’un d’autre, sous un autre angle, celui du trajet à cheval qui nous fait basculer dans une autre dimension, fait réaliser que sans les engins motorisés, l’homme n’est pas grand chose, si ce n’est un bipède qui avance beaucoup plus lentement qu’un oiseau ou qu’un cheval : ça remet un peu les pendules à l’heure.
Louis Meunier est écrivain voyageur, cavalier émérite, mais aussi producteur et réalisateur pour la télévision et le cinéma. Un jour il est contacté par une certaine Sybille d’Orgeval (Lol) qu’il a déjà croisé. Elle lui explique qu’elle va faire Paris-Marseille par les petites routes et à cheval « pour réaliser une série documentaire sur le monde rural ». Ou plus précisément « ceux qui préparent la société de demain plutôt que de se lamenter face aux nouvelles déprimantes ressassées à l’envi par les catastrophistes ». « Depuis quelques années, des citadins s’installent dans des lieux à faible densité et imaginent de nouvelles manières de vivre (…), des alternatives à l’ordre établi. » Louis remonte en selle et décide de l’accompagner dans cette aventure un peu folle.
Dans cette expédition, l’homme et le cheval doivent être deux alliés. Cela peut paraître idiot de l’écrire, mais Louis Meunier fait de ces animaux des personnages à part entière. Où-Vas-Tu est une jument fofolle, qui a peur de son ombre. Alors dès qu’une voiture ou un mouche la frôle, c’est l’embardée qui peut tout anéantir. Louis va devoir faire équipe avec elle et ce n’est pas une mince affaire, surtout quand elle se met à boiter, rechigne un peu quand elle voit la selle arriver. Comme les chevaux ne sont pas doués de parole, n’est-ce-pas ?, il faut trouver des spécialistes, de vrais, parmi tout un tas d’amateurs fantasques. Unik, le cheval de Sybille, est , quant à lui, gentleman qui sait se tenir. Mais dès qu’il perd sa copine Où-Vas-Tu du regard, c’est panique à bord, quasiment. Alors quand on remplace Où-vas-tu par Lars, il faut se réhabituer.
C’est comme ses chaussures et son sac à dos quand on est à pied : il faut faire un sinon on risque l’accident.
Côté aventure humaine, Louis et Sybille rencontrent des gens hauts en couleurs bien souvent, parfois en marge de la société sans pour autant être des cas sociaux. Le public est hétérogène. On croise des agriculteurs bio, un berger dans la forêt de Fontainebleau qui loue ses services pour débroussailler la forêt de manière écologique (et le hasard a voulu que je vois récemment un article sur lui dans Le Parisien !), des artistes. On croise même Hubert Reeves qui habite au vert depuis très longtemps. Une chose est sûre : ces gens sont efficaces et n’attendent pas que les ordres tombent du ciel pour s’engager, à leur échelle.
Voyage en France buissonnière est un livre instructif tant sur la diversité des territoires de l’Hexagone que sur les diverses manières de concevoir la préservation de l’environnement. On apprend que « la Drôme est le département de France qui concentre le plus grand nombre d’exploitations en agriculture biologique ». Ainsi, la marque Biovallée réunit » élus, entreprises et acteurs de la société civile acceptant un cahier des charges ambitieux », dont celui de « favoriser la création d’emplois liés à la préservation et à la transformation des ressources naturelles » et de « renforcer la mixité sociale ».
Si, comme l’avoue l’auteur, se passer totalement d’un supermarché relève encore aujourd’hui d’un acte d’héroïsme impossible à atteindre, les circuits courts se développent de plus en plus. Même dans les banlieues d’Ile-de-France .
Ce récit fait du bien ! Une sorte de feel good écolo (loin des feel good bébête vide de sens que je déteste). Des exemples concrets de gens qui essaient de changer les choses à leur niveau. Un baume au coeur, cependant lucide, qui ne cache pas que le chemin est encore long pour tordre le cou à la société de consommation outrancière et de malbouffe. A mon sens, c’est mort pour tout un tas d’adultes non sensibilisés, pour eux, je n’y crois pas. Il préfèrent acheter des baskets à 500€ que de songer à la planète et à leur santé. En achetant des fruits et légumes étrangers parce que, malheureusement, la mondialisation permet cette concurrence souvent déloyale. Pas plus tard qu’hier, je suis restée sidérée en voyant que le supermarché Cora ose importer des pommes de terre soi-disant bio en provenant d’Israël !!!! A 3,99€ le kilo. Des gens sont assez crétins pour acheter ce genre de m****, malheureusement. Ce sont les enfants qu’il faut sensibiliser à l’école. C’est déjà un peu le cas, mais pas suffisamment. Ou plutôt pas de manière homogène selon les territoires. Est-ce que les adultes d’aujourd’hui se rendent compte de l’héritage qu’ils laissent à leurs enfants ?
« Les paysages résonnent avec mon esprit, mes pensées s’ordonnent. Je pense au temps qui passe et s’accélère, je pense à cette machine appelée progrès qui a rompu en un siècle le contact de l’homme à la terre, je pense à la France que l’on défigure et à la nature que l’on viole sans préoccupation du lendemain, je pense à mes enfants qui probablement jamais n’attraperont une écrevisse dans une rivière. Je pense aux rencontres de cette équipée, à ceux qui me donnent des raisons d’espérer, ces résistants qui sortent du moule et agissent avec leur coeur pour sauver ce que nous avons d’humanité. Je pense que par endroits la France reste belle, et ses habitants libres…. ».
L’auteur, au cours de son aventure, peste régulièrement contre le producteur et le réalisateur du reportage qui trouvent qu’ils ne vont pas assez vite, qu’ils traînent, qu’il faut mettre en boite, trouver des gens, qu’ils devraient accepter de se raccourcir le parcours en trichant un peu acceptant de monter en voiture pour gagner du temps. L’auteur refuse de faire un périple pipeau, bien sûr. Deux visions s’opposent.
Un beau livre. Seul bémol, la maladresse qui a des allures de mépris au tout début du récit, quand l’auteur parle de « lotissements pavillonnaires suintant l’ennui » : pas vraiment sympa pour leurs habitants qui ne sont pas forcément ce qu’on imagine ! Ils se sont logés où ils ont pu, mais ça ne veut pas dire qu’ils tournent en rond et que ce sont des bas du front. Paris c’est devenu tellement prout-prout, tout ça pour vivre dans un clapier, non merci, mon cher ! Voilà la monnaie de la pièce rendue !! 🙂 Même si certains coins de banlieue ne sont pas grandioses – mais à Paris non plus, il y a des coins très moches et crasseux -, il faut savoir ouvrir les yeux, car là aussi la résistance verte s’organise peu à peu. Vers chez moi, on vient de sauver un verger condamné à la destruction. Le livre est paru en 2018, c’est postérieur à sa parution. Si on regarde bien, il y a plusieurs cueillettes dans le coin (pas forcément bio ou 100% mais la conversion se fait progressivemen et c’est du circuit court. Clairement, on a beaucoup de forêts dans le coin. Une rivière qui a été dépolluée, ça a pris une vingtaine d’années, elle est méconnaissable. On a des écureuils, des renards, des hérons, tout plein de bestioles que tout un chacun peu observer le matin très tôt. En revanche, quand je vois le développement de l’écolo-business avec des mots relookés tendance, pour des gens en mal de verdure qui paie pour aller faire des « bains de forêt »,désolée, je me tords de rire ! Je ne doute pas qu’il y ait un public pour ça.
Pour revenir au livre, dernier point : ce n’est pas vraiment un tour de France, contrairement à ce qu’annonce le sous-titre. C’est plutôt Paris-Marseille en passant par l’Allier.
Un ouvrage à lire si vous vous intéressez au voyage non motorisé, à l’écologie et que vous aimez les livres à la fois optimistes et lucides. J’ai beaucoup aimé.
Pendant ton périple estival as-tu réussi toi aussi à éviter les supermarchés ?
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Parfois en allant au resto. 😂
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