
Pendant que d’autres sont déjà dans la rentrée littéraire alors qu’on n’est que mi-août, je continue sur mes lectures d’été, de celles qui font vagabonder l’âme. Encore un livre que j’ai beaucoup aimé, qui sort de la norme, du bien confortable chez-soi pour vous emmener au bout du monde.
François Garde est haut fonctionnaire, et, comme si ça ne suffisait pas, lauréat du prix Goncourt du Premier Roman avec Ce qu’il advint du sauvage blanc (2012), notamment. Marcher à Kerguelen a, quant à lui, reçu le prix Thomas Allix de la société des explorateurs français en 2019.
Intrigué depuis plus de vingt ans par l’île française de Kerguelen, dont l’existence est à peine connue de la France elle-même, du moins délaissée, aux confins des quarantièmes rugissants, François Garde a eu l’occasion de la frequenterdans le cadre de son travail, en qualité d’administrateur supérieur des Terres Australes, entre 2000 et 2004. Toujours au chef-lieu de Port aux Français. Hanté par cette île au charme magnétique, faite de basalte et de granite, où la météo est celle d’un perpétuel automne maussade, sous des cieux venteux et pluvieux, totalement déserte, où il n »existe aucune route, aucun chemin, aucune trace laissée par l’Homme, hormis des cabanes destinées aux scientifiques, François Garde y retourne avec 3 amis du 23 novembre au 17 décembre 2015.
Une expédition à pied, sac au dos de 25 kilos. Un challenge un peu dingue pour un homme de 56 ans qui estime ne pas être un aventurier, ni de tempérament, ni de profession. Une bravade, dit-il à ceux qui l’interrogent, ne sachant pas lui-même quelles sont ses motivations profondes.
Un texte d’uns grande beauté, une photographie incroyable à travers les mots, des paysages traversés. Tous les soirs, l’auteur restitue la journée dans un carnet de voyage. Un paysage transcendé. Peu importe, écrit-il, s’il y a une forme de mensonge dans ce qu’il écrit. Écrire est forcément réécrire le réel.
On suit donc cette équipée, leurs pépins, leurs moments de doute et de joie, les tensions inévitables quand on se lance dans un trek aussi difficile, leurs remords aussi. On se rince, on a froid, on se fait piéger par les souilles. On s’amuse des noms des lieux : Mortadelle, baie d’Audierne, Golfe du Morbihan, Baie irlandaise ! 😂 Seule Isabelle Autissier avait traversé Kerguelen, jusqu’à présent. En 1999. Une femme ! 👏 Ce récit est également une forme d’hommage à cette pionnière.
Un coup de griffe final aux décideurs, dirigeants à la langue de bois, aux hommes : « Kerguelen n’appartient pas à l’humanité« , contrairement à ce qu’a décidé le 5 juillet 2019, l’UNESCO, en lui donnant le « titre » de patrimoine mondial de l’Humanité. « L’homme n’y est pas chez lui (…). En déréglant la grande machine du climat, l’humanité porte atteinte à Kerguelen. Mais, avec l’insupportable désinvolture d’un petit voyou, elle outrage un bien qui lui est étranger. » A méditer à quelques mois de la COP 21 !
J’ai adoré, comme je l’ai déjà dit. Une lecture marquante. Un récit qui plaira à tous les marcheurs et autres baroudeurs dans l’âme.
L’été prochain, tu vas marché sur cette île ? J’ai toujours cru qu’elle était anglaise.
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