M Train – Patti Smith

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Traduit par Nicolas Richard

« Ce n’est pas facile d’écrire sur rien.
C’est ce que disait le cow-boy au moment où j’entrais dans le rêve. Vaguement bel homme, intensément laconique, il se balançait dans un fauteuil pliant, le dos calé contre le dossier, son Stetson effleurant l’angle extérieur brun foncé d’un café isolé. (…)
En ouvrant les yeux, je me suis levée, suis allée d’un pas chancelant dans la salle de bains où je me suis aspergée le visage d’eau froide. J’ai enfilé mes bottes, nourri les chats, j’ai attrapé mon bonnet et mon vieux manteau noir, et j’ai pris le chemin si souvent emprunté, traversant la large avenue jusqu’au petit café de Bedford Street, dans Greenwich Village. »

Eh hop ! Patti Smith vous embarque pour plusieurs heures dans son M Train, (la lettre M pouvant être la première de Mysterious, Mystic, et tout ce qui vous conviendra : elle vous laisse y coller le mot qui vous plaira – mais par pitié, par Mr ! ) . Et, s’il n’est pas facile d’écrire sur rien, comme veut le faire croire le cow-boy et l’auteur, mettez-vous donc à la place de votre blogueuse, qui a adoré ce livre qui est loin d’être sur rien, ne sait pas par où commencer pour arriver à en parler….

Un livre encore différent des deux autres mais où l’on retrouve la thématique du rêve, de Glaneurs de rêves (justement) et la plume incroyablement limpide et pourtant travaillée et poétique de Patti Smith qui vous embarque dans un road trip sur la trace des artistes qui l’ont marquée, sur une vie passée à courir le monde, un voyage hanté par l’écriture où l’on fait des breaks dans les cafés, en particulier le Café ‘Ino à Greenwich Village où se pose l’artiste pour observer et réfléchir, toujours à la même table où elle a ses habitudes. La globe trotteuse que je suis s’apprêtait à noter le nom et l’adresse de ce café pour le jour où elle irait visiter New York, mais il n’existe plus !

Grâce à Patti Smith, vous vous sentirez peut-être moins fantasque de vouloir vous rendre sur la tombe ou les lieux hantés par les écrivains et poètes que vous admirez : elle le fait tout le long du livre, c’est même le fil conducteur du récit qui vous permet de passer d’un pays à l’autre, d’une époque à une autre sans anicroches, sans sentiment de rupture temporelle ou thématique : Jean Genet, Sylvia Plath,  Roberto Bolaño, Virignia Woolf, Mishima, Frida Kahlo, Arthur Rimbaud (évidemment) et tant d’autres…
J’ai souri en découvrant que Patti Smith est paniquée à l’idée d’oublier de prendre un livre lors de ses voyages. Elle a découvert Murakami et son Oiseau à ressort mais perdu l’Oiseau.

Au fil de son périple et de ses arrêts dans les stations de son M Train, Patti Smith avoue qu’elle a deux vices dans la vie : le café et les séries TV ! 🙂 . Pour le café, elle a été capable de se rendre au Mexique pour goûter le meilleur café du monde. Elle est capable d’aller s’enfermer à Londres dans un hôtel rien juste pour regarder The Killing ou les aventures de Kurt Wallander, personnage créé par Henning Mankell.  Elle est complètement addict aux séries policières car elle trouve que la résolution d’une énigme s’apparente à l’écriture d’un poème dans sa difficulté.

On découvre une femme profondément sensible au monde qui l’entoure, un peu sauvage, qui vit maintenant seule avec ses chats. Quelqu’un d’assez fantasque aussi, capable d’acheter une vieille bicoque déglinguée, pour en faire son « fort Alamo », comme elle dit, mais bien plus solide que les constructions plus récentes qui n’ont pas résisté à la tempête Sandy, se plaît-elle à souligner, avec un brin d’ironie. 🙂
J’ai vraiment eu du mal à imaginer, une fois encore,  que cette personne-là était la même que l’icône rock adulée par les foules du monde entier (encore aujourd’hui). Ayant assisté à la rencontre littéraire qui a eue lieu à Paris, je me suis demandée, qui, dans la salle blindée du théâtre de la Bastille, était venue pour la Patti Smith rockeuse et qui pour la Patti Smith écrivain poète. A écouter les conversations autour de moi, il y avait pas mal de gens pour la rockeuse. Mais aussi une génération (comme la mienne) qui ne l’a peut-être pas vraiment connue pour ses chansons mais plutôt pour ses écrits. Forcément quand on aime ses écrits, on part écouter sa musique et j’espère que l’inverse est vrai aussi.

En tout cas, la soirée a pu me prouver que la chanteuse et l’écrivain étaient bien la même personne, parce qu’elle aime toujours chanter, même sans instruments, a capella. Elle sait toujours enflammer une salle, et avec humour ! Elle a expliqué que c’est la littérature qui l’a mené à la chanson, d’ailleurs. N’empêche : quel parcours !

Enfin, l’objet livre est vraiment magnifique, avec sa couverture veloutée au toucher et parsemé de photos qui contribueront à votre voyage littéraire en compagnie de cette femme aux semelles de vent, aux poches aussi emplies de souvenirs de son existence. Magnifique !

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour M Train – Patti Smith

  1. alexmotamots dit :

    J’ai hésité à le prendre à la librairie ce week-end. A tord, apparemment. Mais il faut faire des choix.

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  2. kathel2 dit :

    Patti Smith fait partie des auteurs que je veux découvrir absolument cette année !

    Aimé par 1 personne

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