Les filles de Brick Lane, tome 1 : Ambre – Siobhan Curham

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Traduit par Marie Hermet

Ambre vit à Londres, dans le quartier de Brick Lane avec ses deux pères. Au lycée, elle est harcelée par les autres élèves qui la traite d' »homo », de lesbienne, comme si cela  était une honte. Ambre a deux passions dans la vie : Oscar Wilde, dont elle rêve de visiter la tombe au Père Lachaise, et son blog. Elle habite une maison ancienne qui aurait pu être la sienne.

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Maison d’Oscar Wilde à Londres

« Rose examinait l’imposante façade de briques. (…) Finalement, ce n’était pas étonnant qu’Ambre s’habille comme elle le faisait et qu’elle adore Oscar Wilde. »

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Le Petit Palais rend hommage à Oscar Wilde

La jeune fille adore les objets anciens et a pour habitude de se vêtir comme un dandy, ce qui la rend suspecte aux yeux des filles formatées, comme clonées sur le même modèle.

15822918_1374844092557781_3926394657381045220_n (cartes écrites par O. Wilde enfant et timbale) 15822588_1374844509224406_5203266379950055871_n

Quand ça va mal, Ambre se plonge dans les citations d’Oscar qui lui permettent de prendre de la distance. Un soir, n’en pouvant plus d’être le mouton noir, ses yeux tombent sur cette citation  : « Oui : je suis un rêveur. Car le rêveur est celui qui ne trouve son chemin qu’au clair de lune, et son châtiment est de voir l’aube bien avant le reste du monde. »  Ambre décide que les choses doivent changer. Ca ne peut plus durer. « Elle était à Londres, une ville qui comptait des millions d’habitants. Il y avait forcément des gens comme elle quelque part. Des gens qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas ressembler à tout le monde, ne pas dépasser, ne pas faire de vagues. Des gens qui, plus que tout, avaient envie d’aventure, de découverte. D’autres Pierrots lunaires. »  Elle décide de créer un club secret, « Les filles de Brick Lane », qui aurait pour but de se soutenir et s’aider à trouver la confiance en soi nécessaire pour réaliser ses rêves. Reste à trouver le moyen de se mettre en relation avec d’autres personnes qui lui ressemblent. Ambre travaille dans une boutique vintage quand elle n’est pas au lycée. Pour mettre en oeuvre son idée,  elle écrit une chronique sur son blog et confectionne cette petite carte qu’elle distribue à certains clients du magasin.
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Elle ne croit pas trop à ce qu’elle fait, mais à sa grande surprise, elle entre en contacte assez facilement avec trois filles, très différentes d’elles : Maali, Sky. Et Rose.

Maali, une jeune fille d’origine indienne. Photographe amateure, elle voue un culte à la déesse hindoue Lakshimi, déteste les racistes et souhaite plus que tout dépasser sa timidité et arriver à parler aux garçons, en particulier à un. Elle aide ses parents à la confiserie, dont le burfi à lanoix de coco de sa mère est sans doute un des meilleurs de Londres.

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« Maali ajouta le lait concentré dans la casserole. (…) elle alluma l’encens et fit tinter la cloche »

Rose, est une fille de célébrités, mais dont la famille est éclatée et séparée : son père est un acteur connu et vit à New York ; sa mère  mannequin traquée par les paparazzi. Plus que tout, Rose fuit les projecteurs et ne veut surtout pas devenir mannequin, comme maman. Sa mère est d’ailleurs en train de refaire sa vie avec Liam, un Irlandais qui vit sur une péniche, avec sa fille, Sky. Rose a tout de la petite peste formatée qui rentre bien dans le moule des conventions au lycée. Elle a un copain, mais en fait, elle se demande pourquoi elle est avec lui. Juste pour faire comme tout le monde. Son rêve c’est la pâtisserie (et les motos). Rien ne la transporte plus que de créer des recettes et de confectionner des petits gâteaux…
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« Rose cassa un oeuf sur le bord du bol et regarda le jaune luisant exploser dans la pâte à gâteau comme une tache de peinture sur un tableau. »

Sky est la hippie du groupe. Elle ne vit que pour la poésie et rêve de participer à un concours de slam. Elle est orpheline de mère et ne comprend pas pourquoi son père s’est amouraché d’un mannequin célèbre et encore moins pourquoi elle doit quitter la péniche où ils vivaient pour la maison huppée de cette femme, et de sa fille Rose.

 

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« Elle allait retourner sur le bateau. Elle allumerait de l’encens, se ferait un thé vert et travaillerait à son nouveau poème. »

Ces quatre filles sont issues de milieux sociaux différents, ont des goûts et des modes de vie différents, mais pourtant elle vont arriver à tisser des liens d’amitiés solides, s’entraider, et aussi sortir des préjugés qu’elles pouvaient avoir. Elles ont aussi des points en commun et des âmes d’artiste, chacune dans leur genre.C’est ce qui va les rapprocher. Sous l’égide d’un artiste d’un autre siècle et pourtant très contemporain.

C’est le troisième livre que je lis de Siobhan Curham et je n’ai pas été déçue. Un roman qui sous des airs badins aborde avec justesse les problèmes de l’adolescence et revendique haut et fort le droit à la différence et surtout celui d’être soi-même, de s’aimer tel qu’on est. L’histoire évoque aussi les dangers et les dérives d’Internet, le cyber-harcèlement.
Toute la modernité d’Oscar Wilde  est mise à jour, lui qui a souffert et payé pour sa différence, assumée sans complexes et avec impertinence. L’occasion de faire découvrir cet écrivain, critique, dandy et esthète aux gamins d’aujourd’hui. L’homoparentalité est abordé avec tact et justesse, sans omettre les problèmes rencontrés.
Enfin, une touche féministe avec la question du respect des femmes.

Un bon petit pavé qui se lit très facilement, une écriture qui emploie sans complexe le vocabulaire des adolescents d’aujourd’hui, et parfois cela m’a fait sourire (« Je vois que mes leçons n’ont pas été inutiles, alors, si tu arrives même à pécho dans un cimetière ! »). Néanmoins le texte n’est pas dépourvu de poésie et de poèmes. Ni même de gourmandise (vous trouverez une recette intégrale de petits gâteaux croissants de lune, et les burfis de la mère de Maali donne l’eau à la bouche ! 🙂 )

Mon seul bémol va à la couverture gris triste. Car ce roman est très coloré, plein de saveurs et chatoiements. Le clair de lune est souvent cité, celui du monde des rêveurs. Or, on ne retrouve pas toute cette poésie sur la couverture. Juste les tenues des hipsters de Brick Lane. C’est un peu dommage. Je trouve que la couverture originale est plus réussie.
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Un roman qui célèbre l’amitié, la solidarité et le droit à la différence. A mettre dans les mains des jeunes et des moins jeunes pour leur donner confiance en eux et foi en leurs rêves ! C’est le premier tome, il y a donc une suite.

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Extraits :
« Ambre laissa les mots résonner dans sa tête. C’était ça, le véritable usage des lettres : offrir une pause, faire réfléchir, aider à se sentir moins seul. »

« En lisant son poème, Sky éprouva une drôle de sensation, un peu comme lorsqu’elle écrivait. Tout disparu autour d’elle. » (tous les blogueurs s’y reconnaîtront ! 🙂 )

« Il vaut mieux vivre son destin de façon imparfaite que de vivre à la perfection une imitation de la vie d’un autre. »

« Sky l’avait transportée comme par enchantement dans un autre monde, un monde magique où Internet et les selfies, Twitter et les paparazzis n’existaient pas. »

« Pourquoi, dans un monde où un être humain sur neuf meurt de faim, où des millions d’enfants n’ont pas droit à l’école, où des centaines de millions d’adultes ne savent ni lire ni écrire, faudrait-il que l’on gaspille sa colère sur ceux qui ne la mérite pas ! »

« Dans la poche de son manteau, Ambre prit une pierre de lune. Elle l’avait trouvée au marché, sur le stand de minéralogie. (…) Elle avait pris sa trouvaille comme un signe de chance, d’autant plus que la pierre était violette, or et bleue. Et ronde comme une lune. »

Mille mercis à Flammarion Jeunesse pour le livre et le colis qui contient l’âme des filles de Brick Lane ! 🙂

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Pour ceux que cela  intéresse : exposition sur Oscar Wilde au Petit Palais jusqu’au 15 janvier.
J’y suis allée, comme vous pouvez le voir : c’est chouette et instructif !

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour Les filles de Brick Lane, tome 1 : Ambre – Siobhan Curham

  1. Wahou super billet !!
    Tu sais que j’ai beaucoup aimé aussi avec la même remarque sur la couverture. Effectivement l’originale est nettement plus joli.

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  2. alexmotamots dit :

    Une sacrée galerie de personnages.

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