Les hôtes de la nation – Frank O’Connor

 

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Traduit par Edith Soonckindt

Avant d’évoquer à proprement parler de ce recueil de nouvelles, une petite présentation d’un écrivain irlandais dont j’avais entendu parler mais pour autant jamais lu.
Frank O’Connor est né à Cork en 1903 (et décédé en 1966). Il est l’auteur de deux romans, d’un essai sur l’art de la fiction, d’une biographie sur Michael Collins et surtout connu pour ses nouvelles : il en a écrit plus de deux cents ! A titre posthume, son nom a été donné à l’important prix récompensant les meilleures nouvelles : le Frank O’Connor International Short Story Award.
Il est admiré par Yeats et considéré comme un « Flaubert au milieu des bocages irlandais ».
J’emprunte ici des éléments de la préface rédigée par Richard Ellmann :
De son vrai nom Michael O’Donovan (j’aime bien les pseudonymes chez les écrivains ! 🙂 ), il est issu d’un milieu modeste : son père était terrassier, après avoir quitté l’armée britannique ; sa mère, Minnie O’Donovan, faisait des ménages  dont les gages étaient la plupart du temps dilapidé en pintes de bière par son mari, qui, en outre, était un homme violent si on le privait de son addiction alcoolisée. Michael O’Donovan écrit sous pseudonyme parce qu’il est bibliothécaire départemental.

Le recueil regroupe onze de ses plus belles nouvelles, écrites entre 1931 et 1961, dans divers journaux, revues et magazines. Il fut publié pour la première fois en traduction française en 1996.

La nouvelle la plus marquante (enfin, pour moi) est la première, qui donne son titre au recueil : « Les hôtes de nation » (1931), où deux soldats britanniques se lient d’amitié avec deux de leurs prisonniers irlandais. Malheureusement, le rouage impitoyable de l’Histoire va les rattraper. On est pétri de stupéfaction et d’horreur. Les larmes de l’émotion provoquées par ce récit ne sont pas loin. Histoire de ne pas oublier que la guerre est une chose terrible.

« Les Bergers » (1954) m’a fait rire : un curé et son vicaire tentent d’empêcher une jeune femme d’être corrompue par un capitaine de la marine française. 🙂
Voici le portrait cocasse des deux hommes d’église : « Le frère Whelan était un grand homme robuste au large torse, dont la tête ne se détachait pas très nettement du reste du corps; il avait des buissons de poils fous dans les oreilles et un visage rose et innocent qui faisait penser à celui d’une vieille paysanne pieuse qui gagnerait sa vie en vendant des oeufs.
Devine avait l’air pâle et usé, avec un gentil visage rêveur nimbé d’une douce lueur – celle du clavier d’un vieux piano – il portait un pince-nez perché sur son petit nez triste et insignifiant. » 🙂

« Mon complexe d’Oedipe » (1950) a été la plus surprenante : ou comment un gamin décide de prendre la place de son père parti à Grande Guerre (puis revenu), à la maison.
« Mais ferme-la donc, petit misérable ! » me lança-t-il en s’étranglant.
J’en fus tellement stupéfait que j’arrêtai de crier. Jamais, jamais quiconque ne m’avait parlé sur ce ton-là jusqu’ici. Je le regardai, incrédule, et je vis que son visage était convulsé par la rage. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me rendis vraiment compte que Dieu s’était payé ma tête en écoutant mes prières pour le retour sain et sauf de ce monstre.
« Ferme-là toi-même ! hurlai-je, hors de moi. » Ambiance entre père et fils, qui revêt une dimension autobiographique, Frank O’Connor ayant une aversion pour son père…

 » La nuit des noces » (1939) ou comment une institutrice accepte de coucher avec un dément amoureux d’elle par pure bonté avant que la police vienne le chercher et l’emmène sans cri ni menottes pour l’enfermer.

Dans « La femme américaine » (1961), on a droit à un drôle de compte rendu sur les Irlandais, de la part d’Elsie (la femme américaine) : « Elsie rentra chez elle en pleurs et annonça à son oncle étonné que tous les Irlandais étaient des tapettes et, comme il n’avait aucune idée de ce qu’étaient les tapettes, il hocha la tête et admis que c’était effectivement là un affreux pays. » Pourtant, la suite des événements lui donnera tort…

Voilà pour un petit échantillon de nouvelles où j’ai même trouvé des Irlandais plutôt Normands sur les bords, s’exprimant par un « p’ête ben que oui, p’ête ben que non » ! (sauf que je ne retrouve pas la nouvelle où j’ai lu ça…)

Une jolie découverte d’un écrivain devenu un classique de la littérature irlandaise, dont on ne peut  qu’apprécier la finesse, l’humour et l’humanisme.

Merci aux éditions de la Table Ronde d’avoir eu l’idée de me le faire découvrir. 🙂

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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2 commentaires pour Les hôtes de la nation – Frank O’Connor

  1. lewerentz dit :

    Lu il y a longtemps, mais un bon souvenir.

    Aimé par 1 personne

  2. Maeve dit :

    Oui, agréable à lire. Et j’aime beaucoup la couverture de cette nouvelle édition.

    J’aime

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