Traduit par Mimi Perrin
Années 70, dans une ville paumée de l’Amérique profonde, l’histoire de Wanda, Sandy, Tara et Jill, quatre adolescentes comme les autres, si ce n’est qu’elles sont déjà mère ou en passe de le devenir. Sandy est d’ailleurs déjà mariée à Mark, et maman d’un petit Mark Junior. Wanda et Tara sont mères célibataires. Jill se pense enceinte de Virgil : elle a du retard dans ses règles et n’a connu aucun autre garçon. Le bébé est le centre de la vie de ces jeunes mères, bien évidemment.
Pourtant, oubliez le prince charmant, la vie de famille de rêve : la romance en prend un coup sous la plume Joyce Maynard, qui décrit sans tabous ni concession bien -pensante la vie de ces héroïnes du quotidien, qui bataillent pour tenter de faire face. Wanda est celle qui est la plus paumée face à son nouveau statut de mère : son bébé, le plus fragile de tous, né de plus avec une tâche de naissance, sera le bébé secoué et frappé ; elle-même sera victime d’une vieille femme et d’un employeur libidineux. Tara, aussi belle que sa petite Sunshine, frappera, bien malgré elle, l’oeil de Greg, artiste peintre trentenaire, en couple avec une journaliste, Carla. Sandy racontera sa grossesse dans les moindres détails, et sa vie de jeune femme célibataire à Carla, fascinée, elle qui n’est pas mère. Jusqu’à ce que justement, le doute s’installe sur une possible maternité, alors que Greg s’avoue qu’il n’aime plus Carla. Quant à Jill, lorsque sa grossesse sera confirmée, n’aura qu’une obsession : avorter (puisque Virgil l’a larguée dès qu’elle lui a annoncé l’événement), et cacher tout ça à ses parents chez qui elle vit. A côté de chez Jill, vient d’emménager une femme seule qui agrégera tous les fantasmes de son père et le désespoir de sa mère. Une femme seule, amoureuse autrefois de son prof de fac quand elle était étudiante, qui l’a abandonnée. Une rupture qui l’a détruite : sur un coup de folie, elle répond à une petite annonce pour célibataire. Pas de pot : l’auteur de l’annonce est un fou échappé d’un asile. Une autre folle hante ce récit : Mrs Ramsey, une vieille dame intégriste, anti-avortement, en mal de petit-enfant, prête à kidnapper et à faire chanter leur mère en menaçant de diffuser des photos obscènes les concernant, grâce à une manigance montée de toute pièce…
Baby Love est le premier roman de Joyce Maynard (publié en 1981). J’avais dévoré L’homme de la montagne (2014) et Les filles de l’ouragan, qui sont beaucoup plus récents. J’ai dévoré celui-ci aussi, mais je m’y suis perdue par moments, sans doute à cause des nombreux personnages et d’une écriture qui alterne toutes les histoires de chacun dans un même chapitre, les séparant juste d’un paragraphe. Néanmoins, on s’attache à ces adolescentes, enferrées dans leur condition de mère. Avec un faible pour Jill, qui est la seule à décider le plus difficile : renoncer à le devenir dans l’immédiat. Avec tous les risques que cela comporte. Je ne peux pas vous spoiler la fin du roman mais ce n’est pas très optimiste…
Quant aux hommes, pour les plus jeunes, ils semblent pris au piège d’un statut de père qu’ils ne se sentent pas capables d’assumer. La fuite comme solution est leur seul horizon. A cet âge-là, on préfère s’amuser que d’avoir une famille à charge. Quant aux plus âgés, ils paraissent frustrés.
Il y a beaucoup d’hormones et de sexe dans ce roman. Mais les corps ne sont pas sublimés (hormis celui de Tara qui rayonne par sa beauté hors du commun) : les traces de la grossesse ne sont pas cachées ou voilées, les nausées, les montées de lait, la peau tendue qui semble prête à éclater, les vergetures, le masque de grossesse, les contractions, le retour de couche : vous n’échapperez à rien ! 🙂 Même pas aux effets de l’irruption d’un bébé dans une relation de couple. Quant aux scènes d’amour, oubliez le genre romance qui sublime l’acte : je ne vous fait pas de dessins…
J’aime les romans de Joyce Maynard pour leur côté sans concession et leur touche féministe avec des héroïnes fortes. Celui-ci n’est pas mon préféré à cause de l’enchevêtrement de personnages et d’histoires un peu trop serré par moments qui fait perdre le fil de l’intrigue. Il est aussi dommage que le côté thriller arrive vraiment trop tard , sur la fin du roman, pour soutenir vraiment l’attention du lecteur. Du coup il y a un effet « plaqué » qui manque de crédibilité (oui je sais, c’est super mal dit !)
Néanmoins, malgré ces quelques défauts, c’est un agréable moment de lecture. J’ai depuis des lustres Un long week-end dans ma PAL et aussi l’autobiographie de l’auteure, (Devant moi le monde), qui a partagé un moment de sa vie avec Salinger. Je ne peux que me réjouir de ne pas encore avoir tout lu d’elle. Un livre de Joyce Maynard est d’ailleurs prévu pour la rentrée littéraire, aux éditions Philippe Rey et Les règles d’usage sort au format poche. Youpi !
Espérons que cette Américaine francophile – et parfaitement francophone – fasse un petit tour en France pour nous présenter son dernier livre…
Très envie de lire celui-ci! Un long week-end est génial 😉
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En voilà une belle nouvelle!! 😊 Merci pour l’info.
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Toujours pas découvert Maynard. Je retiens ta préférence pour L’homme de la montagne. En plus, les joies de la grossesse, j’en suis sortie depuis pas suffisamment de temps pour m’y replonger déjà avec plaisir dans la lecture. 😉
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Le titre du roman qui est le même en VO est bien ironique. Les amateurs de romance à l’eau de rose en prendront pour leur grade. 😉 Et puis la vieille mégère anti-avortement, Joyce Maynard ne la rate pas non plus. (D’ailleurs, au moment où j’écrivais ma chronique, je ne savais rien du décès de Simone Veil, qui m’a ému ; la vie est étrange parfois).
En tout cas je pense les ouvrages de Joyce Maynard te plairont par leur touche féministe et son côté « franc du collier ». ☺
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