Couverture : Stéphane Trapier
Les éditions de La Table Ronde donnent « carte noire » à Jérôme Leroy pour la réédition de « romans noirs qui méritent de retrouver audience auprès des amateurs du genre et prouver aux autres qu’il s’agit d’une littérature à part entière ».
N’y connaissant pas grand chose en roman noir à la française, j’ai choisi Une sacrée salade, de Jacques Laurent, initialement publié en 1954. Une histoire d’avortement en 1954 m’a clairement attirée. Rappelez-vous qu’à cette époque, cet acte était pénalement répréhensible, et que, quelques années auparavant, Vichy envoyait les avorteuses à l’échafaud.
Lire ce roman noir était un bon moyen de me replonger dans la mentalité et l’ambiance de l’époque et de me mettre dans la peau de la jeune femme de vingt-deux ans, qui se retrouve dans le bureau d’un flic pour se faire cuisiner.
Forbin, inspecteur principal adjoint au Quai des Orfèvres interroge donc Claude-Andrée-Pénélope Racan, dite Peny. Une jeune femme de bonne famille, originaire de Besançon, venue faire ses études de droit à Paris, mais bien vite abandonnées pour se laisser emporter par le tourbillon de la vie.
En guise d’interrogatoire, on assiste à un huis-clos entre un inspecteur intrigué et une jeune femme perdue mais agacée par ce type. Le lecteur sait déjà que Peny a avorté. L’intrigue tient dans le fait de savoir si elle va l’avouer. Le dialogue entre Forbin et la jeune femme s’apparente à une joute, un duel, à qui mènera l’autre en bateau et pendant combien de temps.
Forbin est effectivement un drôle de flic qui arrive à inviter son interrogée à déjeuner (ça m’a beaucoup amusée !). Peny l’intrigue, le désarçonne, l’impatiente. Elle lui dévoile sans vraiment de pudeur, toute sa vie sexuelle et sentimentale, une croqueuse d’hommes qui dit ne pas savoir de qui elle est enceinte. Une belle raconteuse d’histoires aussi, c’est à un moment ce dont on la soupçonne.
« Et pour vous consolez, vous êtes devenue sa maîtresse ? » l’interroge Forbin
« – Je suis devenue sa maîtresse, comme vous dites, parce que ça me chantait. »
« La colère allongeait les lèvres de Peny, comme son sourire. Mais son menton saillait. Elle tira sur sa jupe, posa son sac par terre.
– Ce que le mot maîtresse devient laid quand il est prononcé ici. Je suppose que tout ce que la police touche devient sale, hein ?
– C’est plutôt les histoires que l’on nous demande d’aller voir qui sont sales.
– Il n’y a rien de sale dans mes histoires, à moi, que des choses tristes, d’autres gaies, d’autres qui ont tourné d’une drôle de façon. Je me suis débrouillée au milieu de tout ça. »
Peny est cette jeunesse qu’on ne comprend pas. Une jeunesse dans la France étriquée des années 50, qui revendique sa liberté et ne souhaite pas qu’on lui donne de leçon. C’est l’époque de La fureur de vivre, et de l’iconique James Dean de l’autre côté de l’Atlantique…
A sa manière, Une sacrée salade est un roman « existentialiste », comme le dit Jérôme Leroy dans sa préface.
La fin est un coup de théâtre et je vous devrez lire le roman pour savoir qui sort vainqueur !
J’ai aimé le style pour son côté suranné qui a tout son charme, mais aussi l’humour (noir !) dont il est pourvu ! Maintenant, je vais adorer le mot « pneumatique » !
Chouette idée que de rééditer des romans noirs tombés en désuétude pour les donner à (re)découvrir.
Viennent de paraître dans la même « optique »et toujours dans collection de poche
« La Petite Vermillon » :
Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales, Kââ ;
Recluses, Séverine Chevalier
Le sang dans la tête, Gérard Guégan
En tout cas, merci aux éditions de La Table Ronde, je suis contente de ma pioche !
Pneumatique ? Ah oui, ça remonte à loin.
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Oui, je ne connaissais pas du tout, ou comment enrichir son vocabulaire en lisant des romans noirs des années 50. 😊
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J’ai vu ce roman en librairie, mais me suis retenue de l’acheter en raison de mon énorme PAL, mais ta critique me donne encore plus envie de l’acheter et de le lire 🙂
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Il se lit très bien. Ta PAL ne devrait pas trop en souffir. ☺
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