Vernon Subutex (tome1) – Virginie Despentes

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Vernon Subutex c’est le désespoir assis sur un banc. Le poème de Prévert m’est venu à l’esprit en terminant ce premier volume.
C’est le premier roman que je lis de la désormais célèbre Virginie Despentes. Je l’ai acheté au lendemain des élections présidentielles, suite à une interview qu’elle livrait à la presse sur sa colère. Une colère dans laquelle je me suis reconnue.

Vernon Subutex était disquaire au Revolver dans les années 80. La boutique n’a pas résisté. Aujourd’hui, après avoir squatté, vécu en tirant le diable par la queue, de petites magouilles en pensant pouvoir s’en tirer, il est SDF dans les rues inhospitalières de Paris. Il s’est fait expulsé de son logement. Son pote Alex Bleach, une idole de la chanson française, vient de claquer d’une overdose. Vernon a en sa possession une auto-interview de l’intéressé qui vaut une blinde. Sauf qu’il ne le sait pas. Alex Bleach est synonyme de rock libertaire, hors normes, hors conformisme. Un paradoxe à lui tout seul .
Via les réseaux sociaux, une truie en mal de taf qui sévit sous le pseudo de Lady Bazooka, alias La Hyène, va tenter de mettre le grappin du Vernon.
De son côté, Vernon va se connecter sur Facebook pour jouer sur son réseau pour tenter de se sortir de la merde.
L’occasion pour nous, lecteurs, de croiser une foule de personnages hauts en couleur. Du bourgeois frustré au facho, de la beurette voilée étudiante en droit, à la star de porno, en passant par le trans brésilien et j’en passe car je ne les ai pas tous retenus. Une chose est sûre : je les ai tous détestés. Mais j’ai beaucoup ri jaune. Virginie Despentes dégaine et tire. C’est pas un roman pour mauviettes ou amateur de bluettes et autres romances ou roman à la sauce feel good ! Les personnages sont ancrés dans la réalité de la France d’aujourd’hui. Un sacré portrait de la démission. Du repli sur soi et de la connerie voire de la haine ordinaires. Les accrocs à Facebook qui se shoote au nombre de « like », ceux font commerce dans la manipulation professionnelle. Oui madame ! Ils en prennent pour leur grade et j’ai beaucoup ri à certains passages.

« Elle s’est reconvertie dans les réseaux sociaux. Ca fait un moment qu’elle vit de ça. Ca a commencé sans qu’elle le décide. Elle a croisé un vieil ami, Tarek, qui mangeait seule dans une pizzeria à Abesses, elle s’est assise pour prendre un café avec lui. Elle l’avait connu journaliste pour un mensuel porno (…).
En comprenant que La Hyène ne faisait pas grand chose de ses journées – elle était entre deux jobs -, il lui avait proposer de la dépanner pour un film dont il s’occupait, il cherchait quelqu’un pour Internet. Il y avait du cash à se faire. Il fallait inonder la toile de critiques positives, en se faisant passer pour des spectateurs spontanément séduits. (…)
A elle seule, en quatre jours, elle débarque comme une armée. Elle a notoirement épaisi son cahier de fausses identités, et sans se vanter, sa connerie est virale. Elle te pourrit la Toile en quarante-huit heures : sur la place de Paris, à sa connaissance, personne n’a son efficacité. Ensuite, ça roule tout seul – les journalistes regardent Twitter et les commentaires, et se sentent obligés de tenir compte des conneries qui s’y trouvent. (…)
Lancer un lynchage médiatique est plus facile que faire décoller un buzz positif – elle prétend qu’elle sait faire les deux, mais l’époque plébiscite la brutalité. Celui qui défonce est celui qu’on écoute (…). »

Un roman du bitume qui ne mâcbe pas ses mots. Virginie Despentes écrit cash et trash. Sa plume s’attache le langage contemporain, populaire et vivant, sans accroc ni fausse note. Elle n’hésite pas à virer porno quand ça lui chante. Ses personnages ne sont pas des héros mais des êtres blessés, ce qui ne les empêche pas d’être peu sympathiques ou de purs connards. C’est dans l’air du temps. Je me suis un peu attaché à Vernon, mais pour être franche, contrairement à d’autres lecteurs, il m’a aussi agacée.

Un roman loin de la bien pensance, de ces gens qui se croient investis de la Vérité et du savoir quoi faire et quoi penser, de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas.
Loin aussi du nombrilisme de la littérature de boudoir.

Un roman dense ou l’aspect polar de la traque pour récupérer l’auto-interview du rocker mort s’efface devant ce tableau peu glorieux de la société française, où chacun de nous se reconnaîtra sans doute par instants. C’est du lourd, ça fait grincer, mais ça fait du bien !

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour Vernon Subutex (tome1) – Virginie Despentes

  1. alexmotamots dit :

    Une lecture que j’avais apprécié, même si la suite ne m’a jamais tentée.

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  2. lilly dit :

    Cette série me tente beaucoup, elle a l’air pas mal influencée par les auteurs américains.

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