Traduit par Luc Rigoureau
J’ai assisté à une table ronde à Livre Paris entre Peter May, B. A. Paris et Stuart Neville sur le thème du polar anglo-saxon. Autant j’ai déjà lu les livres de Peter May et Stuart Neville, autant je n’avais jamais entendu parler de B. A. Paris. Ses propos m’ont intéressée, alors j’ai acheté son premier thriller, paru en V. O. en 2016 (Behind closed doors) puis en France en 2017 chez Hugo Thriller. Voir la pastille annonçant qu’il faisait partie de la pré-sélection Prix des lecteurs du Livre de Poche cette année renforcé ma motivation.
Si vous croyez un prince charmant, sachez que ce livre n’est pas pour vous ! B. A. Paris prend une trame de romance pour la retourner comme un gant.
Grace a la trentaine, un bon job pour lequel elle a un peu trimé avant d’arriver à un poste vraiment intéressant, qui la fait beaucoup voyager. Elle est célibataire. Elle ne se sent pas très proche de ses parents qui le lui rendent bien. Sa mère a eu un enfant à 46 ans, Millie, trisomique, sur laquelle Grace reporte tout son amour, jusqu’à servir de maman de substitution pour palier aux manquements de sa mère, dépressive. Si Grace a trouvé un emploi, c’est pour subvenir aux besoins de Millie, lui trouver la meilleure structure qui soit pour lui permettre de progresser. Trouver ce job est aussi un moyen pour Grace de se réserver une bouffée d’oxygène. Cependant, ses parents envisageant de partir vivre en Nouvelle Zélande, elle s’inquiète de savoir ce que va devenir Millie, une fois l’école terminée.
En général, quand Grace annonce aux hommes qu’elle a la charge d’une petite soeur trisomique, ils prennent la fuite. Pourtant, quand elle rencontre Jack, avocat connu et spécialiste des procès sur les femmes battues, il ne part pas. Il a tout du gendre idéal : beau, bien élevé, argenté, prévenant, bref, ultra bright ! Très vite, Jack lui trace des plans sur la comète : la maison de rêve, tout ce qu’elle veut la chérie et même le mariage, là tout de suite ou presque. Comme il a un poste important, il préfère avoir une femme à la maison plutôt qu’une femme aussi crevée que lui quand il rentre. Donc il ne faut plus que Grace travaille. Je sais pas, mais normalement, vous vous posez pas mal de questions sur ce mec qui vous la présente comme ça et si vite alors que vous ne le connaissez finalement presque pas… Au contraire, voici ce que Grace se dit :
« Quand je suis revenue d’Amérique du Sud, j’ai donné ma démission et mis ma maison en vente. J’avais méticuleusement réfléchi et j’étais arrivée à la conclusion que j’agissais comme il faut en obéissant à Jack. J’aspirais à l’épouser, et la perspective d’habiter une belle maison à la campagne au printemps suivant et, peut-être, d’attendre notre premier bébé, me remplissait d’allégresse. J’avais travaillé comme une dingue pendant treize ans, me demandant parfois si je pourrais lever le pied un jour. Comme, par ailleurs, je savais que, une fois chez moi, je ne serais plus en mesure de voyager autant ou d’enchaîner les longues journées qui m’incombaient parfois, j’avais nourri des angoisses quant à la nature du poste où je finirais. Tout à cou, mes inquiétudes s’envolaient et, tandis que je choisissais les cartons d’invitation à envoyer aux amis et à la famille, j’avais l’impression d’être la fille la plus chanceuse du monde. »
Autant dire qu’à moins que Grace change radicalement d’attitude et de point de vue, je me suis dit qu’on ne serait pas copine !
Je suis un peu obligée de vous spoiler l’histoire pour vous parler de ce thriller, mais sachez que le gars vire Mr Hide dès la nuit de noces où il disparaît pour ne ressurgir de je ne sais où le lendemain matin.
Et si je vous dis que c’est un affreux psychopathe doublé d’un misogyne patenté, vous ne serez pas surpris non plus.
J’ai cru jusqu’au bout des 345 pages du livre que j’aurais droit à un coup de théâtre qui m’inviterait à tout envisager d’une autre façon. Malheureusement, ce ne fut pas le cas.
Grace est bêtasse du début à la fin. Jack est bien évidemment détestable. Notre affection de lecteur se reporte sur Millie qui est la plus intelligente, malgré son handicap. J’en dis trop ou presque mais il n’y a pas vraiment de surprise pour un thriller. Tout est caricatural. B. A. Paris tire son épingle du jeu grâce au rôle qu’elle donne à Millie.
Je suis énormément déçue par ce thriller dont j’attendais beaucoup. C’est du déjà-lu. J’aurais aimé que la part belle soit donnée à la femme qui subit le calvaire de la maltraitance conjugale, une femme un peu plus courageuse et pas cette femme soumise, du début à la fin. Bien évidemment, c’est une bonne idée de donner à Millie le beau rôle, mais les deux auraient, cela aurait été plus fort.
Bien sûr, toutes les personnes de l’entourage assez restreint de Grace ne se doutent de rien du calvaire qu’elle subit, sauf une personne, à qui, pourtant, elle ne fait pas confiance. Au début, on pense à ce genre de personne intrusive qui veut tout savoir sur votre vie privée et intime. Mais pourtant, cette femme est bien plus fine psychologue de Grace.
Pour connaître une femme qui a été maltraitée, avant de décider que cela devait cesser définitivement, il est parfaitement crédible d’avoir en face de soi un couple qui paraît complètement heureux, sans que personne ne se doute de rien, d’avoir un homme le plus sympa du monde alors qu’en vérité c’est un horrible connard violent. Dans la fiction, j’aime voir des histoires où les femmes ont le beau rôle, pas celui de la soumission. Parce que dans la réalité, ça existe. Si Grace se soumet en partie pour protéger Millie, elle se rend pourtant compte rapidement que ce n’est pas la solution, mais ses piètres plans tombent tous à l’eau. En tant que lecteur, on s’en doute aussi.
L’emprise psychologique aurait dû être traitée avec davantage de finesse. Grace sait très bien que Jack n’accédera jamais à ce qu’elle demande mais à chaque fois, elle tombe dans le panneau.
Sur la 4e de couverture, Cosmopolitan annonce : « Le thriller de l’année. » Rien n’est moins sûr !
Quelques mots sur l’auteure : « D’origine franco-irlandaise, B. A. Paris a été élevée en Angleterre avant de partir en France, où elle a notamment créé une école de formation aux langues étrangères et où elle vit aujourd’hui avec son mari et leurs cinq filles. »
Hugo Thriller annonce B. A. Paris comme la nouvelle star du thriller psychologique. J’avoue que Karine Giebel me convainc davantage. Un deuxième roman est publié cette année, Défaillances. Je suis un peu bornée, alors peut-être que je le lirai quand il sera paru en poche, sur le bord d’une plage.
J’ai lu Défaillances qui est tout aussi décevant et peut être encore moins fin que ce que tu décris… Je pensais justement lire Derrière les portes pour lui donner une seconde chance mais je vois qu’il y a les défauts…
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Bon, alors c’est vraiment une mauvaise pioche ! Pas la peine de perdre du temps avec des livres qui ne nous satisfont pas. Je suis un peu étonnée de tous ces avis positifs sur Babelio ou Amazon… Aheum.
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Le personnage féminin ne t’a définitivement pas plu.
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Effectivement. Pas très glorieux le portrait de cette femme pas trop courageuse.
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