Traduit par Eric Boury
J’avais dévoré Entre ciel et terre qui nous embarquait à travers la Mer Glaciale, en Islande, avec comme compagnons de route un pêcheur poète, Bàrður et le gamin. Les anges dorment dans ma bibliothèque depuis plusieurs années, j’attendais le bon moment pour les réveiller et renouer avec Jón Kalman Stefánsson (on n’était pas en froid du tout, cela dit ! 😉 ), écrivain islandais ô combien singulier et stupéfiant ! Je pense que ma chronique ne sera pas à la hauteur de tous les trésors cachés dans ce roman.
Tous ceux qui ont lu Entre ciel et terre savent ce qui est arrivé à Bàrður. On retrouve ici le gamin, recueilli depuis trois semaines par Helga. Débarque, un cavalier : c’est « Jens le Postier sur un cheval de glace, il veut voir Helga », » le gel l’a collé au cheval ». « Helga et le gamin ne doivent pas épargner leurs forces pour le détacher de sa monture, le gel d’avril l’a figé instantanément, le cheval et l’homme se sont si parfaitement unis l’un à l’autre que Jens ne pouvait plus bouger ». Le gamin est vite intrigué par ce géant taiseux. Le gamin qui découvre la poésie et le désir. GeirÞrúður avec sa chevelure « aussi sombre que décembre », et surtout Ragnheiður aux dents blanches « telles des blocs de glace derrière le rouge de la chair », celle qui, « suçant une friandise avec lenteur », lui fait un de ces effets… : « Ainsi s’étaient écoulées mille années. L’Islande avait été colonisée. Ou peut-être deux mille. Jésus avait été crucifié, Napoléon avait envahi la Russie ». 🙂
Jens quant à lui se voit obligé de repartir, direction des dangereux fjords du Nord. Le gamin décide de l’accompagner. Le gamin bavard et le géant qui n’aime pas parler. Un couple atypique, qui finalement va s’épauler, se raconter jusque dans leurs failles intimes et leurs blessures secrètes, mais aussi se disputer, pour mieux se rabibocher, n’ayant d’autre choix que de se raccrocher l’un à l’autre car la tristesse des anges, personnage à part entière du roman va leur mener la vie dure !
La tristesse des anges, c’est la neige qui s’engouffre partout, avec l’aide de son inséparable ami le vent. La tristesse des anges façonne des mirages, fait naître des fantômes, redonne vie aux morts. C’est celle qui fait chanter les montagnes. C’est la nature à l’état brut et sauvage.
On trouvera des fermes sur le chemin, on trouvera des familles qui vous ouvriront leurs portes.
Un roman qui va vous rafraîchir. Un livre à la fois poétique, zen et tragique. Une écriture qui délie des lignes qui vous enveloppent pour vous happer, vous soustraire au réel.
Jón Kalman Stefánsson n’oublie pas cependant de vous fera sourire. « Par un temps comme celui-ci, on n’y voit rien du tout, cela je peux vous l’assurer, on ne voit pas plus le trou de son cul que celui de son voisin, le blanc est omniprésent et on ne distingue plus l’air de la terre (…) ».
Des scènes cocasses se lovent dans des situations périlleuses, les barbes ça gèle et pour en savoir plus, vous devrez lire le livre ! Je vous conseille de vous installer dans un coin bien calme, loin de la foule déchaînée et hurlante (vous voyez sûrement ce que je veux dire en ce moment) et la magie opère.
Jón Kalman Stefánsson parle de la vie et de la mort, d’amour perdu, d’amour des livres, de jolies choses tristes et belles. Il me reste une interrogation à la fin de l’histoire…
De la vraie belle littérature !
Je compte bien lire la suite, Le coeur de l’homme, qui clôt cette trilogie qui se passe au début du 19e siècle. Et puis tous les autres de l’auteur : D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds , A mesure de l’univers (tous disponibles au format poche, chez Folio) et Ásta (qui sort pour la rentrée littéraire).
J’avais eu un coup de coeur pour « Entre ciel et terre », mais je ne me souviens plus de l’histoire avec précision (j’ai de belles images, mais le nom des personnages m’échappe). Cela fait des années que je dois lire la suite (qui est dans ma PAL).
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Je t’avoue que je suis retourné lire ma chronique sur « Entre ciel et terre » car je me souvenais de l’histoire mais j’avais peur de zapper quelque chose. 😁
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