Dans la forêt – Jean Hegland

51AadU5UPvL

Traduit par Josette Chicheportiche

Tout le monde a déjà sans doute lu ce roman, paru en France en 2017 et…. en 1996 aux Etats-Unis où il est rapidement devenu un best seller ! Mais comment se fait-il qu’il faille attendre si longtemps pour découvrir une pépite pareille dans l’Hexagone ?

Nell et Eva vivent avec leurs parents dans en Californie du Nord, dans une maison au coeur de la forêt. Eva a pour passion la danse et Nell est attirée par les livres. Peu à peu, la société fout le camp. Doucement. Comme la famille vit dans un lieu isolé, elle pense que c’est dû à cela, qu’il y a des travaux sur les lignes, ce genre de choses. Avec le recul, Nell pense aussi que c’est parce que sa mère venait de décéder, que leurs esprits étaient ailleurs. . « L’hiver dernier, quand il y a eu les premières coupures d’électricité, elles étaient si exceptionnelles et si brèves que nous n’y avons pas vraiment prêté attention. (…) nous n’avions peut-être pas pris conscience, quand il en était encore temps, qu’après des décennies d’avertissements et de prédications les choses commençaient vraiment à manquer. (…) Peut-être que nous aurions dû nous douter plus tôt que ce qui se passait était différent. Mais même en ville, je pense que les changements se sont produits si lentement – ou s’inscrivaient tellement dans la trame familière des problèmes et des désagréments – que les gens ne les ont vraiment identifiés que plus tard au printemps. »
« Et maintenant il y a des rumeurs de méningites. L’administration a l’air de penser que tout le monde fera des économies si l’école s’arrête un mois plus tôt. (…) La poste marchait sporadiquement, et les magasins fermaient plus souvent. Pendant plusieurs mois, les fonctionnaires avaient été payés avec des billets à l’ordre jusqu’à ce que les banques refusent d’honorer les reconnaissances de dette du gouvernement. Puis les fonctionnaires n’avaient plus été payés du tout.
C’est incroyable la rapidité avec laquelle tout le monde s’est adapté à ces changements. J’imagine que c’est comme ça que les gens qui vivent par-delà la forêt s’étaient accoutumés à boire de l’eau en bouteille, à conduire sur des autoroutes bondées et à avoir affaire aux voix automatisées qui répondaient à tous leurs appels. A l’époque, eux aussi ont pesté (…) et bientôt se sont habitués (…). Une fois que les quotidiens ont cessé de paraître tous les matins et que les informations à la radio sont devenues de plus en plus rares, les quelques nouvelles qu’on arrivait à avoir étaient si fragmentaires et si contradictoires qu’elles ne nous disaient pratiquement rien sur ce qui se passait vraiment.
Bien sûr, une guerre sévissait. (…) » Mais la guerre n’est pas la cause de tout. « En janvier, (…) nous avons appris qu’un groupe de paramilitaire avait fait sauter le Golden Gate Bridge, et moins d’un mois après, que le marché des devises étrangères s’était effondré. En mars, un séisme a provoqué la fusion du coeur d’un des réacteurs nucléaires de Californie (…).
A cela s’ajoutaient tous les problèmes habituels. Le déficit du gouvernement avait fait boule de neige pendant un quart de siècle. Nous connaissions une crise du pétrole depuis au moins deux générations. Il y avait des trous dans la couche d’ozone, nos forêts disparaissaient, nos terres arables exigeaient de plus en plus d’engrais et de pesticides pour produire moins de nourriture – mais plus toxique. Il y avait un taux de chômage effroyable (…) »

Bref, un extrait long, mais nécessaire car il fait froid dans le dos par son actualité, 21 ans après. J’écris cette chronique alors qu’hier et toute la semaine, il faisait 37 degrés, la France a battu son record de chaleur en atteignant 45°c dans le sud. Les services publics sont devenus chaotiques et merdiques à souhait. Faire la moindre démarche est devenue abracadabrante et souvent source d’erreur, de problèmes techniques et autres. Les gouvernements successifs s’en foutent comme de leur première chemise, préférant faire des économies au nom de la Dette, c’est bien pratique. On nous fait bouffer des produits pas toujours sains pour la santé. Ce roman, je le répète, a été écrit en 1992 !! On se réveille à peine. Il est tellement actuel dans sa dimension sociétale et écologique. Il n’y a plus qu’à espérer que tout se passe mieux que dans le roman de Jean Hegland et qu’on n’en arrive pas à cette catastrophe.

Le père des filles décède suite à un accident (une mauvaise chute d’un arbre). Les jeunes filles se retrouvent donc seules au monde. Alors que la société s’est complètement déshumanisée, que le monde est devenu un cauchemar, elles vont devoir éprouver toute leurs humanité pour survivre, se servir de tout l’amour qu’il leur reste pour faire face, malgré leur différence et leurs différends parfois. Eva est un personnage assez égoïste, alors que Nell, la narratrice, n’a comme souci que de protéger sa soeur, renonçant même à l’amour d’un jeune homme qui veut l’emmener loin de son trou perdu, ce que refuse catégoriquement Eva. Cette dernière va subir un malheur (je ne vous dis pas lequel) qui va l’obliger à penser autrement.

Les filles vont aussi apprendre à se servir des ressources de la forêt. Elles vont puiser tant dans leur héritage familial (ce que leur ont appris leur parents) que dans l’encyclopédie que lit Nell et qui répond à beaucoup de ses questions, notamment sur les plantes. Mais aussi sur les maladies, ou les accouchements compliqués…

Il a été dit tant de choses sur ce livre que je ne sais pas trop quoi ajouter. Si ce n’est que c’est un formidable roman d’apprentissage et un roman écologique engagé qu’il faut absolument lire !

La plume de Jean Egland vous enchante totalement, c’est un roman qui se lit très facilement et vous coupe de la réalité dès que vous plongez dedans. Un histoire noire mais porteuse d’espoir. Un livre qui vous donne envie de visiter les forêts de Californie. Un bol d’air ! Bref, monumental coup de coeur.

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
Cet article, publié dans Littérature américaine, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

5 commentaires pour Dans la forêt – Jean Hegland

  1. Ankya dit :

    J’ai lu ton billet en diagonale car j’ai noté ce livre (j’en ai entendu parler il n’y a pas longtemps je ne sais plus où…). En tout cas il fait envie.

    Aimé par 2 personnes

  2. ceciloule dit :

    Monumental coup de cœur, exactement ça !

    Aimé par 1 personne

  3. Maeve dit :

    Ouf ! Je me sens moins seule.😉

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s