
Traduit par Karine Guerre
Nous sommes dans une vallée du Kerry, pas très loin de Killarney et Tralee en 1825. Soudain, Martin s’écroule à la croisée des chemins. Raide mort. C’est la stupéfaction pour Nora, sa femme. Le couple avait déjà perdu leur fille quelques temps plus tôt, Johanna. Celle-ci était mère d’un petit Micheal. Un enfant plein de vie. Mais quand Martin ramène son petit-fils, l’enfant n’est plus que l’ombre de lui-même : squelettique, pâle, muet et incapable de se servir de ses jambes. Les grands-parents avaient mis ça sur le compte de la famine qui commence à montrer signes dans l’Ouest irlandais. A présent Nora se retrouve seule au monde en charge du petit garçon. Afin de l’aider à la ferme, elle se rend à Killarney pour l’embauche à la criée. Elle embauche Mary Clifford, une gamine de 14 ans qui cherche à sauver sa famille de la faim en vendant sa force de travail. Elle est loin de savoir ce qui l’attend. Même si elle remarque rapidement l’enfant singulier qu’est Micheal. Nora lui demande de l’aider à s’occuper de lui. L’enfant les empêche de dormir, passe son temps à hurler. Nora fait venir le medecin de Killarney mais celui-ci est incapable de trouver de quoi souffre Micheal. Elle va voir le prêtre qui ne l’aide pas non plus. Accablée tant par le décès de son mari, de sa fille que par l’état de Micheal, Nora décide d’aller voir Nance. Nance vit un peu en dehors du village, c’est une vieille femme qui habite une chaumine délabrée. Seule, avec une chèvre. Les gens s’en méfient car elle a le don de pouvoir communiquer ave les Fairies. Mais elle connaît aussi des remèdes pour soigner ou se défaire des sortilèges, aider ceux enlevés par les Fairies à revenir parmi les humains. Elle explique à Nora que l’enfant qu’elle pense être Micheal est en fait un changeling, un enfant de fée laissé à la place de Micheal, qu’elles ont enlevé. Nora, femme désespérée, est rapidement persuadée que Nance est dans le vrai, que c’est la seule explication possible. Micheal devient rapidement une créature dont il faut se débarrasser pour ramener le véritable petit-fils de Nora et Martin.
Le talent d’Hannah Kent est d’arriver à persuader le lecteur que Nance est dans le vrai. On se surprend à encourager celle-ci à essayer les remèdes les plus dangereux pour retrouver Micheal et faire disparaître l’enfant de fée, laid et infernal. Depuis qu’il est là, les vaches ne donnent plus de lait, le lait ne parvient pas à se transformer en beurre quand on le baratte…
Et puis tout le monde sait bien que « les fées n’aiment (…) ni le feu, ni le fer, ni le sel », que ça porte chance de « tourner trois fois d’Est en Ouest autour de sa maison avec un tison refroidi. De jeter une braise dans un champ de pommes de terre à la Saint-Jean », entre autres ! 😉😁
Le roman fait plus de 500 pages. Nous sommes immergés dans les croyances, superstitions et le folklore de la campagne irlandaise du début du 19e siècle. Des commérages de village. De la haine du clergé vis-à-vis de ces croyances (ben oui, ça leur fait de l’ombre !). J’ai aimé l’ambiance, l’incroyable magie de ce livre qui raconte l’histoire d’une tragédie. Ce qui est encore plus incroyable, c’est que l’histoire est tirée d’un fait divers réel. Comme il en existe beaucoup dans l’Irlande de cette époque (et pas qu’en Irlande). Micheal sera la victime de la superstition, de l’ignorance. Le crétinisme est encore quelque chose de méconnu ou de tabou. On cache les handicapés à cette époque. La douleur de Nora, l’espoir fou de retrouver l’unique être humain de sa famille, la font s’engage dans une aventure dangereuse. Elle finit par ne voir « rien d’humain dans le petit garçon, dans ces os regorgeant de sortilèges sous cette peau aigre et couverte de rougeurs ». A aucun moment on ne trouve les 3 personnages feminins, Nance, Mary et Nora mauvais. La plus lucide de l’histoire, Mary, se rend un peu compte que Nora et Nance risquent purement et simplement de tuer Micheal. Au bout de 400 pages environ, se produit un événement. Retour dans le monde des humains, du rationnel, de la police et de la justice. Un procès. Le lecteur prend alors de la distance avec les 3 personnages et prend le parti des juges, trouvant Nora folle et Nance illuminée. Mais on ne leur en veut pas. La justice fait son travail. On frissonne pour elles. Elles risquent la pendaison pour meurtre. On a peur à cause de la haine que les villageois vouent à Nance. La jalousie, la peur espèrent aussi avoir le dernier mot.
Malgré quelques longueurs et une traduction à mon goût un peu bancale (agacée de voir « le fé » à longueur de pages alors que les fées sont assexuées), j’ai trouvé l’histoire rondement menée et très renseignée sur le folklore irlandais et les superstitions. Il faut absolument lire les notes de l’auteur à la fin de l’ouvrage. J’avais légèrement peur de lire une fadaise. Ce n’est absolument pas le cas ! Hannah Kent est australienne mais elle écrit une histoire aussi envoûtante qu’un bon écrivain irlandais. Stupéfiant.
Dommage pour la traduction, qui n’a pas arrêtée ta lecture. C’est que le roman doit être vraiment bon.
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Le sujet était à risques mais il est bien traité.
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