Traduit par Antoine Bargel
Nouveauté sortie juste avant la Fin du Monde et lire que ça se passe dans le Kerry, en face des îles Skellig m’a intriguée. Sue Hubbard : je ne connaissais pas. Impossible de connaître sa nationalité en lisant la présentation de Mercure de France.
Martha, londonienne et enseignante revient dans le Kerry, après 20 ans d’absence, suite au décès brutal de son mari, Brendan, un Anglais d’origine irlandaise. Elle doit régler quelques affaires, faire du tri dans celles de son époux. L’occasion de se replonger dans le passé, de leur vie commune pendant près de trente ans. C’est aussi ce qui va l’amener à évoquer le passé de l’Irlande, de ce coin perdu du Kerry, aux confins du continent européen. C’est là que se sont installés les anachoretes, ces moines qui se réfugièrent dans des « petits abris en pierres » sèches en attendant leur passage sur les îles Skellig, dans les années 500. Brendan était passionné par les Skellig. Il venait se réfugier dans son cottage irlandais, proche de Caherciveen pour écrire. Il n’écrit pas des romans. Il écrit sur l’art, en particulier sur la peinture anglaise, l’Ecole de St Ives. Proche du milieu de l’art, quoi. Bien loin des paysans du Kerry. Bien loin de Paddy, qui y vit depuis toujours.
Dans cette histoire, il y a un méchant (du moins un mec friqué du Kerry mais aussi un peu paumé et complexé) qui a de grandes idées pour donner un sens à sa vie et, par la même occasion, se faire encore plus de fric : Eugene Riordan. Il veut construire un spa de luxe, avec tous les trucs derniers cris pour attirer de riches touristes. Seulement, pour ce faire, ce serait pas mal qu’il rachète les terres de Paddy et celles de Martha. Il est prêt à y mettre le prix. Sans surprise, ni Paddy ni Martha ne voudront rien vendre. Mais finalement cette intrigue ne monopolise pas l’histoire.
Nous plongeons dans le passé du couple, qui révèle peu à peu ses failles, ses déchirures et le drame qui explique pourquoi Martha n’a pas remis les pieds en Irlande depuis 20 ans. Là aussi, je l’ai senti venir ce secret. Sans surprise.
La plume de Sue Hubbard est élégante, agréable et l’histoire, finalement se laisse lire. Cependant, rien d’extraordinaire. J’ai vite compris que l’auteure n’était pas irlandaise car elle évoque le Kerry comme une touriste. C’est plein de pluie (ok, il pleut en Irlande), on a l’impression par moments d’avoir un livre d’Histoire irlandaise qui se plaque sur le reste et en plus il y a des inexactitudes ou plutôt des approximations : « Vous savez, les garçons, on dit que Cromwell a envoyé les frondeurs dans le Kerry car l’enfer aurait été trop doux pour eux. » Ah, certes, mais c’est plutôt du Connemara dont il s’agit !!!! Cromwell a dit : « To hell or to Connaught ». Rien à voir. Le Kerry n’est pas aussi aride que la région bien plus au nord. Première chose qui m’a agacée.
Et puis, trouver des gitans au marché ! Là, je ne sais pas à qui exactement je dois m’en prendre, n’ayant pas le texte VO, mais il n’y a pas de Gitans en Irlande. Juste des gens du voyage, appelés « travellers » (« Lucht Siul » en irlandais qui veut dire « le peuple marchant »). Ils parlent le shelta. On ne connaît pas exactement leurs origines, mais ce ne sont pas des Gitans. Certains pensent que ce sont les descendants des expropriés du 18e siècle. Mais c’est nettement remis en cause. L’autre thèse est que ce serait les descendants d’un autre peuple nomade irlandais : les Tarish. Dans le texte, on trouve à de nombreuses reprises le terme de » bohémiens ». Ça fait vraiment suranné ! Gens du voyage, tout simplement. Pourquoi se prendre le crâne ?
Revenons à l’histoire. C’est l’histoire d’un deuil. Bon. Pourquoi pas. Mais les personnages sont trop caricaturaux à mon goût : la veuve éplorée qui se demande si finalement elle connaissait bien son mari ; le paysan accroc à sa terre comme une moule à son rocher (ok, ça existe) ; le jeune poète paysan par vocation et l’affreux promoteur immobilier qui était pote, enfant, avec le mari de la veuve, lui fait du charme dans le but de lui spoiler ses terres. C’est un peu de la grosse ficelle !
Si vous découvrez l’Irlande, ce livre vous plaira car c’est bien plein de pluie et d’odeur de tourbe, de pierres sèches usées par les vents. Personnellement je n’ai rien appris. Les moines anachoretes sont justes là pour la déco. Rien de plus.
Sue Hubbard a dédié ce roman à ses parents. Ce qui me fait dire qu’elle a des origines irlandaises, à l’instar du couple de son histoire.
Un livre qui ne fera pas date dans mon esprit. Je l’ai terminé il y a une quinzaine de jours et ses contours s’effacent déjà. Si on veut apprendre sur la vie du Kerry, autant lire Peig, c’est bien plus instructif.
Bon et bien c’est dit….. Un roman avec les ressorts nécessaires pour une intrigue…. Mais la
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Oups….. La lectrice en connaît sur l’Irlande et on ne le lui fait pas….. Merci pour toutes ces précisions et Next 🙂
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Oui, même si ma culture n’est pas parfaite, je partage ma vie depuis presque 20 ans avec l’Irlande. Le Gitan au teint sombre au détour d’une phrase m’a fait un drôle d’effet !🤗 Dans le Sud, il y a aussi l’histoire du naufrage de la Grande Armada. On dit que les Irlandais aux yeux sombres sont les descendants etc. Mais de toute façon, vue les grosses ficelles déployés dans ce roman et les approximations, on ne va pas rentrer dans ce genre de subtilité. C’est un roman écrit par quelqu’un sur la trace de ses origines. Un(e) Américain(e) d’origine irlandaise n’aurait pas fait mieux.
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Un roman qui a l’air plein de clichés.
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C’est pas trop dans la finesse, contrairement à ce que j’ai pu lire. Pas de surprises.
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Concernant les gitans le terme anglais dans le texte original est « gypsies ». Les « travellers » irlandais sont aussi appelés « gypsies » en anglais. C’est donc un problème de traduction, le traducteur ne connaissant pas semble t’il ces nomades irlandais.
Quant à votre proposition de traduire « bohemians » par « gens du voyage » elle est discutable. En France « Gens du voyage » est un terme juridique et administratif qui date de 1969 et qui malheureusement crée une catégorie de personnes générique sans prendre en compte les spécificités de chaque groupe auquel appartiennent ces personnes. Mais « Bohémien » fait en effet très 19ème siècle et « Nomade » est peut-être meilleur (même si c’est ce terme qui a été remplacé par Gens du voyage dans la loi de 1969).
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Oui, c’est un problème de traduction, assez énorme à mon sens. Je connais le terme « gypsies » mais on les appelle surtout « travellers » en Irlande, dans le meilleur des cas et « tinkers » dans le pire. « Gens du voyage » est plus neutre. Mais on ne peut pas le traduire autrement du français à l’anglais. Qu’est-ce que vous proposez alors ?
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* de l’anglais au français, je veux dire….
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