Enfant de salaud – Sorj Chalandon

Quatrième roman que je lis de Sorj Chalandon que je connais surtout pour son passé « irlandais  » ou du moins en lien avec l’Irlande, mais aussi Le quatrième mur qui se passe au Liban. Des romans autobiographiques très émouvants qui vous retournent. Je n’avais encore rien lu sur la famille de l’auteur. J’en avais juste entendu parler à la sortie de Profession du père . J’ai profité de la présence de Sorj au Livre sur la Place à Nancy pour acheter Enfant de salaud (que je voulais lire de toute façon). L’occasion faisant le larron, pour le coup je suis aussi allée le faire dédicacer (ce que je fais rarement parce que tout simplement je ne sais jamais trop quoi raconter à un auteur, je me dis que ça l’embête, je suis impressionnée etc.). Mais Sorj Chalandon a vraiment l’air d’aimer rencontrer ses lecteurs.

J’ai terminé Enfant de salaud (toujours en lice pour le Goncourt après la deuxième sélection ) il y a quelques semaines. Il m’a fallu le temps de digérer mon émotion, si je puis dire.

Alors qu’il a dix ans, le narrateur apprend par son grand-père qu’il est un enfant de salaud. Le père de son propre père, lui balance un jour de colère inexpliquée : « – Ton père pendant la guerre, il était du mauvais côté. (…) Ton père, je l’ai même vu habillé en Allemand place Bellecour… » Tout cela va hanter l’esprit du narrateur. Devenu journaliste, couvrant le procès Klaus Barbie en 1987, auquel son père lui a demandé d’assister également, il va scruter cet homme, tenter de faire le clair, non pas pour sa collaboration, mais sur le fait de lui avoir menti, caché la vérité.

En effet, le narrateur mène sa propre enquête aux archives départementales du Nord et a découvert que son père, qui se pense un héros, de tous les bords, auteur d’exploits, tour à tour résistant, collabo, Allemand, etc., a, en réalité écopé d’une peine de prison d’un an et de cinq ans de dégradation nationale. S’il a étourdi son entourage de faits et de dates, il a surtout menti. Mais pourquoi ? C’est une quête vers la vérité que tente le narrateur. Une confrontation.

Nous assistons à un double procès. Celui de l’Histoire, du chef de la Gestapo en France, le nazi Klaus Barbie qui a ordonné l’arrestation et la déportation de milliers de juifs, entre autres, dont 44 enfants et 7 adultes de Maison d’Izieu, une colonie de vacances qui était alors un havre de paix au coeur du Vercors, avant de devenir le maillon fort d’une filière de sauvetage. Le sous-préfet pensait qu’ici ils seraient en paix. Tout a volé en éclat le 6 juillet 1944. Tous embarqués, conduits à la prison Montluc à Lyon avant d’être déportés grâce aux services de la RATP et de la SNCF ! N’est-ce pas merveilleux comme piqûre de rappel sur le rôle de ces entreprises (toujours de merde) pendant ces années de guerre !? Je faisais des bonds de colère sur mon canapé ! Vraiment des pourris jusqu’à l’os. 😦

Nous assistons au jugement de l’ignoble Barbie et son petit sourire en coin, qui finit par refuser d’assister à son procès quand ça devient un peu trop « chaud » . La justice est obligée de lui imposer mais comme il n’a rien à perdre, il ne vient pas. Defendu par Vergès. Beurk ! Comment défendre l’indéfendable !? Le narrateur scrute les réactions de son père totalement à côté de la plaque. En gros, il est aussi dingue que l’accusé. L’émotion suscitée par le procès Barbie additionnée au comportement du père met les nerfs à fleurs de peau au narrateur. La tension, déjà forte entre les deux hommes, monte d’un cran, jusqu’au point de rupture. Le père, qui fait des pieds et des mains pour assister au procès, disparaît, se cloître, refuse d’y remettre les pieds, surtout à partir du moment où son « héros » est laminé par une avalanche de témoignages qui les mettent au pied du mur. Finalement tous les deux. N’est-ce pas difficile de voir la vérité en face quand on est un mythomane ou un bourreau ? (Bien sentir l’ironie dans ma phrase !) Quand le fils met sous le nez de son père la vérité et lui demande des comptes ?

Sorj Chalandon écrit avec ses tripes et vous embarque dans un voyage au coeur des mensonges. Ce roman est également très intéressant d’un point de vue documentaire, tant sur le procès Barbie que sur la Maison des enfants d’Izieu, le rôle de la Gestapo, de la France collabo dans la déportation. Ça met les poils !!

C’est aussi une histoire familiale et personnelle douloureuse, une enquête qui dépasse finalement la sphère privée en revoyant d’aucuns à s’interroger sur le rôle de ses ailleux pendant la guerre. Ce roman interroge aussi sur le poids de la culpabilité, le poids de la découverte de la vérité les proches.

J’ai beaucoup aimé ce livre. Je vous le conseille si vous aimez tant l’Histoire que les histoires de famille.

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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2 commentaires pour Enfant de salaud – Sorj Chalandon

  1. alexmotamots dit :

    L’auteur semble ne pas pouvoir sortir de sa relation étrange avec son père.

    Aimé par 2 personnes

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