Les lanceurs de feu est le premier roman traduit en français de Jan Carson, autrice d’Irlande du Nord. Elle a récolté, grâce à ce livre, le Prix de littérature européenne pour l’Irlande en 2019. J’ai lu pas mal d’auteurs nord-irlandais – Colin Bateman, Stuart Neville, Adrian McKinty, Maggie O’Farrell, Robert McLiam Wilson, Sam Millar, et je vais en oublier !😊 Mais celui-ci est sans doute le plus singulier que j’aie lu depuis longtemps ou plutôt le deuxième en quelques mois, avec Milkman d’Anna Burns. Je vous annonce tout de suite la couleur : c’est un gros coup de coeur pour l’imagination incroyable de l’autrice.
Jan Carson vous emmène passer l’été à Belfast, 3 mois, de juin à août 2014, sous une chaleur torride. Dès juin, la préparation des parades orangistes mettent les deux communautés de la ville sur des charbons ardents, pour des raisons bien évidemment diamétralement opposées. Cette année, c’est encore plus particulier que d’habitude avec des brasiers qui vont encore plus chauffer l’ambiance ! Qui allumera le plus haut brasier ? Une vidéo anonyme sur internet d’un mystérieux Lanceur de feu appelle à la rébellion en allumant de gigantesques incendies. La police, les pompiers et les médias sont rapidement sur les dents, la peur se propage. Mais, au milieu de tout ce bordel surréaliste, on découvre quelque chose d’encore plus bizarre. En observant de plus près deux hommes.
Sammy, le papa protestant pense savoir qui est l’incendiaire anonyme. Jonathan jeune médecin de la communauté catholique, reçoit l’appel d’une femme en détresse aux urgences de la ville. Tout oppose ces deux hommes. Du moins au début. Sam est un ancien paramilitaire. Marié. Déjà père de plusieurs enfants. Jonathan est célibataire, timide, mal dans sa peau pour ne pas dire dépressif. L’appel au secours de cette femme va bouleverser sa vie à jamais. Il devient lui aussi papa d’une petite Sophie, à la peau si diaphane, si parfaite et aux cheveux si noirs et brillants qu’on a l’impression qu’ils sont toujours mouillés. Il devient pour être exacte, papa célibataire puisque la maman de Sophie disparaît comme elle est apparue. Jonathan se rend tout de suite compte que ce qui lui est arrivé est étrange, que cette femme est étrange, que leur fille est une enfant qui peut devenir un danger pour les autres. De son côté, Sammy se ronge les sangs pour les mêmes raisons, qu’un de ses enfants fasse du mal. Il finit par aller consulter…
Et c’est là que les deux hommes que tout oppose vont se rapprocher. Deux papas dépassés par leur progéniture qu’ils aiment plus que tout mais qu’ils veulent empêcher de nuire pour protéger les autres, la population de cette ville qui panse encore ses plaies ouvertes après 30 ans de guerre civile. A l’instar de Jonathan, on va se rendre compte que Belfast-Est est peuplée d’un certain nombre d’enfants particuliers, qui souffrent, appelés les Enfants Infortunés. Ce sont des enfants différents. Comme Sophie. Mais chacun a sa particularité. Je ne peux pas en dire davantage pour ne pas casser la magie !
Je crois que l’autrice utilise ce qu’elle appelle le « réalisme magique » pour évoquer de manière métaphorique la particularité de la ville de Belfast, où tout le monde se côtoie sans se connaître, où la peur engendre une ambiance dingue, où le feu peut rapidement renaître de ses cendres à la moindre étincelle. Où la peur fait finalement toujours présager le pire.
Jan Carson écrit un roman hypnotique. Elle vous chope et ne vous lâche pas, redoutable jusqu’à la dernière ligne. La fin est une effroyable épreuve !
J’ai refermé ce livre il y a une semaine et il me hante toujours. Coup de coeur, je l’ai déjà dit, mais je le répète ! Ce n’est pas tous les jours qu’on lit une histoire pareille ! Vivement les prochaines traductions !
« Chaque fois que je ferme les yeux, je vois ta bouche qui me sourit. Parfois tu as un visage. Parfois tu n’es qu’une bouche qui flotte du haut en bas de l’escalier ou qui plane au-dessus de la cuisine. Tu es le Chat du Cheshire sans les dents. Ta bouche a tellement de nuances de rose, rouge et rouge rosé. Tu ressembles à la devanture d’un boucher. »
Il me semble avoir lu d’autres critiques très positives sur ce roman et ce qui retient mon attention et me donne envie c’est qu’il sort des histoires maintes fois narrées actuellement. Je le note … Merci 🙂
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A vrai dire, je n’ai pas beaucoup vu ce roman sur les réseaux mais effectivement, il sort de l’ordinaire et c’est un merveilleux roman qui devrait être davantage mis en avant. De toute façon, les Français, à part Maggie O’Farrell, ne lisent quasiment pas de littérature irlandaise. Je vois toujours les mêmes bouquins franchouillards sur IG ou américains ou anglais. Peu d’Irlande et encore moins d’Irlande du Nord.
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J’ai découvert John Boyne que j’apprécie, Maggie O’Farrell bien sûr mais je suis assez attirée par des sujets qui sortent des sentiers tellement déjà rabattus….. 🙂
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L’ambiance est donc toujours aussi tendue en Irlande du Nord…..
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Surtout pour la parade des orangistes.
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