
Gabriële. Un magnifique prénom. Une orthographe qui sort de la norme et vous accroche l’oeil autant que la couverture du livre. Un hors-normes qui sied parfaitement bien à celle qui le porte ! Gabriële est une jeune femme presque sans foi ni loi, au début. Elle fait ce qu’elle veut faire : de la musique. Quitte à forcer les portes. Elle se fiche bien de ce que l’on pense d’elle, en cette fin de siècle décadent (XIXe), pour attraper l’autre et vouloir y faire émerger des idées nouvelles en matière artistique. Elle est intelligente et a un caractère bien trempé. Il en faut. Le siècle est un chouïa mysogine et entrer au conservatoire pour y faire carrière est à peu près quelque chose d’impensable ! Pourtant elle va y arriver.
Cependant, elle ne s’attend sans doute pas du tout à ce qu’il va lui arriver, avec ses idées bien arrêtées. Se marier Fonder et avoir des mômes , non merci ! Quelle entrave !
Pourtant, sur le chemin de sa vie, elle va croiser un certain Francis Picabia. Assez sûr de lui le gars. Pas trop du genre modeste. Gabriële laisse tout tomber pour lui. La fusion des esprits, vous voyez…. Pour lui, elle sera tout : sa muse, sa tête pensante, sa machine à idées, la mère de ses enfants, son épouse, et presque sa mère quand il ne va pas bien, ce petit biquet !
Claire et Anne Berest ont longtemps ignoré leur lien de parenté avec ce couple. Leur mère ne leur parlait jamais d’elle, la mère de son père. La raison est donnée dans le livre. J’imagine que ce fut un choc et une surprise. Elles ont mené l’enquête pour remettre Gabriële sur le devant de la scène, la faire sortir de l’ombre de son illustre mari.
C’est un récit très fouillé, la documentation est importante. C’est une histoire également magnifiquement écrite. Nous sommes immergés dans l’ambiance artistique des années 1910, notamment le « chaudron » cubiste. Nous croisons de nombreux artistes connus : Apollinaire, Duchamp, en particulier qui vont former une bande de potes (et même un peu plus, n’est-ce pas mon cher Marcel)… J’ai apprécié cette dimension intéressante.
Quant à Picabia lui-même : horripilant à mon goût. Maniaco- dépressif. Difficile à vivre, c’est le moins qu’on puisse dire. Gabriële est également une femme étrange, paradoxale. Pas vraiment une femme aimante envers ses enfants. Pas qu’elle les déteste, mais ce sont un peu des êtres qu’elle regarde de loin, un peu perplexe, si on peut dire. Du genre « mais qu’est-ce que c’est que ces choses ? » L’art et ses questionnements passaient avant.
Un récit qui m’a globalement plu. Pourtant, comme pour Rien n’est noir de Claire Berest, je me suis parfois perdue dans les méandres de quelques longueurs. A mon humble avis, le livre aurait gagné à être plus court. La jolie plume et l’aspect documentaire en font tout de même un beau livre qu’on n’oublie pas tout de suite une fois fermé !