Les ravissements – Jan Carson

Traduit par Dominique Goy-Blanquet

Rappelez-vous : Les lanceurs de feu, le premier roman de Jan Carson traduit en français en 2021 avait été un de mes coups de coeurs de l’année, une vraie révélation ! Enfin quelque chose qui changeait dans la façon de narrer le réel, en particulier la vie en Irlande du Nord, par le prisme du réalisme magique. J’avais été bluffée. J’attendais donc avec impatience ce deuxième roman.

Nous sommes en 1993, le 25 juin, l’école s’achève pour les enfants de la petite bourgade de Ballylack, en Irlande du Nord. Pourtant l’été ne va pas se dérouler comme ils le pensaient. Un mystérieux mal va frapper les enfants les uns après les autres et les tuer. Ça commence avec une fièvre glandulaire. Les adultes sont aux abois. La panique paranoïaque s’installe : qui sera le prochain ? On dépêche un Paddy du Sud pour enquêter sur l’affaire. Nous sommes immergés dans la communauté protestante d’Irlande du Nord, orangiste, mais pas que. Les parents d’Hannah, gamine de 11 ans au centre du récit, sont des fondamentalistes. Hanna, à qui l’autrice laisse la parole au premier et dernier chapitre, explique qu’elle se sent exclue, à part, à cause de la religion intégriste de ses parents : « Notre espèce à nous, c’est les chrétiens charismatiques évangélistes. Ça veut dire que nous croyons au salut et à l’Enfer, à Jésus et au Saint-Esprit. Dans notre Eglise, les femmes portent des chapeaux. On utilise la Bible avec des mots anciens, mais on chante des choeurs modernes avec le rétroprojecteur. On parle des langues, ça s’appelle glossolalie, et on se tient les mains pour les prières à une intention spéciale. On ne croit pas au cinéma et au chewing-gum. (…). Notre espèce de protestants n’est pas populaire. «  Je préfère vous laisser découvrir tout ce à quoi Hannah n’a pas droit plutôt que d’énumérer mais c’est impressionnant et surtout effrayant !! Pourtant ses parents ne pensent pas être de mauvais parents, ils pensent avoir la bonne éducation pour leur fille. Malgré tout, c’est de la souffrance qu’ils engendrent. Et c’est bien le point de tous ces gamins qui vont mourir : être les victimes des adultes.

Alors que les mômes agonisent au fil du récit, ils rendent à chaque fois visite à Hannah. Transformés. En un autre eux. Je ne peux pas en révéler davantage sous peine de spoiler.

J’ai été emportée par cette histoire aux multiples rebondissements, écrite avec beaucoup d’humour et d’ironie. Jan Carson rend hommage aux enfants d’Irlande du Nord et fustige la religion, le sectarisme du pays mais aussi le racisme. Les gamins de ce roman sont drôles, étonnants, espiègles, parfois bêtes comme les ados qu’ils ne deviendront jamais. Ils deviennent eux-mêmes une fois qu’ils se sont échappés dans un autre espace-temps hors de portée des adultes. Le gang des EM (Enfants Morts), c’est quelque-chose !😜 Les adultes, quant à eux, sont pathétiques. Du début à la fin, ils ne changent pas, ne comprennent rien, sont carrément chiants. La solitude et la souffrance d’Hannah restée dans le monde des vivants, sont décrites avec finesse et minutie. On s’attache au personnage, qui ressemble le plus à sa créatrice (elle l’a dit).

Je ne peux que vous conseiller de vous jeter dans cette histoire (pas par la fenêtre !). Un bon petit pavé de plus de 400 pages écrit tout serré, mais qui nous obsède dès qu’on le pose. N’y aurait-il pas un peu de sorcellerie dans la plume de Jan Carson ?

Le premier roman, Les lanceurs de feu, est disponible depuis peu au format poche, chez J’ai Lu je crois. J’ai vu la couverture : franchement dommage qu’elle révèle carrément un des mystères de l’histoire…🙄 Mais, c’est une bonne occasion pour commencer à lire Jan Carson.

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour Les ravissements – Jan Carson

  1. alexmotmots dit :

    Lu sur les conseils de ma libraire, il m’est tombé des mains, et je n’ai pas lu la fin.

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  2. Choup dit :

    à lire donc! moi qui ai passé mon année d’erasmus en Ulster, je note donc!

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