Septembre et octobre : la littérature en 3D

Je m’étais dit que je ferais un résumé de Festival America, comme tous les deux ans. Et puis, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais j’ai enchaîné les rencontres littéraires. Donc je fais une chronique fleuve ! 🙂

Le 12 septembre, par une chaude soirée limite caniculaire, je suis allée à la Maison de la Poésie voir pour la première fois, l’un des plus grands écrivains islandais contemporains, à mon sens : Jón Kalman Stefánsson. Il est venu en compagnie de son traducteur, qui servait aussi d’interprète, Eric Boury, interviewé par la journaliste Nathalie Crohm.
J’ai découvert un écrivain plein d’humour et de malice. Il a parlé d’Asta, son dernier roman traduit en français (dont je vous reparlerai car il est depuis quelques jours en lice pour le Grand Prix des Lectrices Elle, et c’est parfait car j’avais de tout façon l’intention de le lire), mais aussi de sa conception de la littérature et du réalisme. 41679981_2287496844625830_6003911822183235584_o« On a appris à l’école que le réalisme est le reflet de la vie telle qu’elle est, mais c’est tout le contraire. Ecrire chronologiquement ce n’est pas la vie. Seules les machines écrivent ainsi. » Il écrit comme on ferait une symphonie et passe beaucoup de temps à la réécriture. Pour Asta, il s’y est repris à trois fois au bout de 100 pages car ça ne fonctionnait pas. Il en sait plus sur les personnages qu’il veut bien nous en dire car ils viennent de lui. « L’écrivain est comme un dieu raté n’a pas la main sur ses personnages. » Il se dit qu’ils vont sûrement lui régler son compte quand il sera de « l’autre côté » (pas de la cloison, mais dans l’au-delà). ! 🙂 Il voit bien Donald Trump réincarné en hérisson, d’ailleurs, quand il sera de l »‘autre côté ». Voilà un très bref résumé, car il a parlé une heure. Une très chouette soirée dans une salle pleine à craquer. Désolée pour ma photo de très mauvaise qualité, je n’avais pas ma « boîte à coucou » avec moi. 🙂

Le 19 septembre, c’est au Centre culturel irlandais que je suis allée voir John Banville nous parler de comment ça fait quand on41962034_2300013933374121_3749319858848792576_o est deux dans sa tête, avec Benjamin Black (je plaisante). J’ai lu tous les romans noirs de Benjamin Black et j’adore l’humour du bonhomme, capable de dire de choses très drôles avec le plus grand sérieux du monde. Il était interviewé par Cliona Ní’Riordain, professeur à l’université de la Sorbonne Nouvelle. Cette rencontre a eu lieu dans le cadre du Festival Noire Emeraude, organisé par le Centre. Rater John Banville, sommité de la littérature irlandaise contemporaine, aurait été une énormité, pour moi ! En tout cas, contente de retrouver les petites chaises rouges du CCI… J’espère bien voir Conor O’Callaghan invité un de ces jours.

Quelques jours plus tard, je suis allée pour la troisième fois au Festival America qui se déroule tous les deux ans à Vincennes. Il y a deux ans, ma visite avait été marquée par la présence de Colum McCann. Cette fois-ci, c’est Richard Russo et Andrée A. Michaud ! Je m’étais mijoté un programme et je l’ai entièrement suivi pour l’unique journée où je pouvais être présente, le samedi 22 septembre. J’arrive à temps pour rencontrer Andrée A. Michaud, en dédicace pendant une heure ce jour-là. Son roman, Rivière tremblante, nous avait été envoyé la veille par ELLE (car il est en lice pour le Grand Prix des Lectrices aussi, catégorie « roman policier« ) et j’en avais lu quelques pages, déjà assez convaincue.  Ma toute première lecture québécoise. Quelques mots échangés et une dédicace en poche, je suis partie tranquillement à la recherche du prochain lieu de conférence de mon programme littéraire, où il y avait Richard Russo sur le thème « Le roman, miroir de la société », en compagnie de Yannick Lahens et d’un auteur québécois (dont je ne me souviens pas du nom, j’ai honte!). J’étais en pleine lecture de son recueil de nouvelles de Richard Russo, Trajectoire.

Me voici donc en train d’écouter le trio d’auteur nous parler de leur conception de la littérature et entre Haïti, les Etats-Unis et le Québec, on a bien voyagé ! Un vrai plaisir d’écouter tant Yannick Lahens que j’ai découverte lors de ma précédente participation au Grand Prix des Lectrices Elle et Richard Russo récemment.

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Je n’ai pas pris beaucoup de photos, je me suis plutôt concentrée sur mes notes.  Pour Yannick Lahens, le roman est là pour montrer les rouages d’un système. Elle explique aussi parfois les paradoxes, où dans un de  ses romans polyphoniques, le personnage qui a été le plus sympathique aux lecteurs est celui d’un tueur à gages. Le rythme de son écriture est celui de Haïti, de Port-au-Prince. L’art est quelque chose de très important pour les jeunes de Port-au-Prince, pour se sauver des déroutes, explique-t-elle.  Souvent les gens ne voient que la violence comme réponse à Haïti, mais c’est parce que la société haïtienne est violente : il n’y a pas d’hôpital pour envoyer un enfant malade, par exemple. Les Haïtiens sont finalement extrêmement patients.
Richard Russo explique aussi que ses romans sont plutôt tournés vers ceux qu’on oublie. Il explique également que la réalité n’est pas comme un arbre dont on voit le reflet dans un miroir. Au contraire, si l’on prend une photo, on prend de la distance avec la réalité. Il explique être étonné d’être considéré comme un écrivain réaliste. Il a besoin de distance avec la réalité, raison pour laquelle il ne peut pas habiter dans une ville pour la décrire.
Ce qui motive par ailleurs ses romans, c’est l’amour d’un lieu. Raison pour laquelle ils se passent souvent au même endroit.
Yannick Lahens explique qu’à Haïti, la question de la justice est centrale. Port-au-Prince est une ville de contrastes. Donc il y a beaucoup de personnages, comme il y a beaucoup de corruption. Les artistes haïtiens ont créé un hashtag qui a fait bouger les choses. Dans ses romans, elle essaie de montrer le chaudron des conflits humains.
Pour Richard Russo, l’un des raisons pour lesquels il continue à parler de la même ville, c’est pour les liens qui se développent entre les personnages, car ils font tous partie de la même famille élargie. Au début, il avait du mal à mettre de l’humour dans ses livres car il craignait de ne pas être pris au sérieux. Puis il s’est aperçu  qu’au contraire, qu’il fallait faire rire ses lecteurs.
Yannick Lahens aimerait avoir de la distance par rapport à ses personnages, mais en Haïti ce n’est pas possible pour un écrivain.
Richard Russo raconte que lorsqu’il est en train d’écrire, il devient quelqu’un d’autre. Il aime que la personne que son entourage appelle familièrement « Rick » disparaisse pour que l’écrivain Richard Russo prenne le dessus. Il endosse son rôle d’écrivain pour ses personnages, mais cette personne doit aussi rester invisible.
Les notes que j’ai prises sur l’écrivain québécois présent sont trop parcellaires pour en tirer quelque chose, mais il a parlé du Printemps d’érable de 2012.
J’ai filé de nouveau sous au salon du livre pour me faire dédicacer Trajectoire, où il y avait déjà une bonne file d’attente.

La suite du programme a été d’assister à une rencontre « café des libraires », sur le thème « Chez les humbles » pour voir Michael Farris Smith, dont j’ai lu l’an dernier Nulle part sur la terre. J’ai eu plaisir à discuter avec d’autres lectrices.

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Pour M. F. Smith, son univers littéraire se situe très loin des traders, mais du côté de oubliés, des gens désespérés qui commettent des actes désespérés. Ses personnages parlent peu car ils sont assommés par la vie.

Le Québec faisant partie des invités à l’honneur cette année, je suis allée écouter « Etre écrivain au Québec », avec la présence d’Andrée A. Michaud, mais aussi de Guillaume Morissette, qui a la particularité d’avoir fait le choix d’écrire en anglais et de se faire traduire ensuite (j’avoue que ça m’a laissée perplexe). Il y avait aussi Daniel Grenier et Nicolas Dickners.

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On apprend, entre autres, que les libraires indépendants au Québec font une partie de leur chiffre avec les collectivités.
Andrée A. Michaud explique qu’elle a fait le choix de parler des enfants disparus dans Rivière tremblante car c’est quelque chose qui l’a toujours troublée et que c’est la pire des choses qui puissent arriver à des parents que de ne pas savoir ce qu’est devenu leur enfant.
Guillaume Morissette voudrait que les écrivains québécois s’ouvrent un peu plus sur le reste du Canada et ne pas se focaliser sur le Québec.
Compte rendu très spartiate car je commençais à fatiguer ! En tout cas je suis ressortie en voulant lire L’année la plus longue  de Daniel Grenier qui parle de faille spatio-temporelle. 51qgc7Tdo5L
Résumé éditeur : « Thomas Langlois, né comme son aïeul Aimé Bolduc un 29 février, ne fête son anniversaire qu’une fois tous les quatre ans. A la grande joie de son père, cette particularité fait de lui un « leaper », être original dont l’organisme vieillit quatre fois plus lentement que le commun dés mortels. A l’instar d’Aimé, Thomas traversera-t-il les âges et les époques aussi aisément que les paysages ? En suivant les vies de ces deux personnages d’exception, de Chattanooga à Montréal, L’année la plus longue traverse près de trois siècles de l’histoire de l’Amérique. » J’ai voulu l’acheter mais la foule était juste trop compacte à 15h pour oser arriver à approcher un étalage de libraire sans se faire marcher dessus.

En tout cas, beaucoup de bonne humeur et d’humour dans cette rencontre. J’ai beaucoup apprécié. Les quatre écrivains québécois présents ont su suscité la curiosité.

Ma dernière conférence a été source d’oxygène sylvestre, sur  la thématique « Promenons-nous dans les bois », avec Andrée A. Michaud, Jean Egland et Richard Powers. De la nécessité de vivre près des arbres, de les protéger est ce qui réunit ces écrivains. Une dimension écologique, une prise de conscience nécessaire. J’ai acheté Dans la forêt de Jean Egland, qui, je pense, va beaucoup me plaire !

 

Encore un bien chouette Festival America encore cette année, encore différent de tous les autres. Je suis repartie avec deux dédicaces.
Seul bémol : la marge que s’octroie la FNAC, mais aussi Carrefour sur le prix de vente des billets : 2€ ! Sandaleux. J’en ai discuté avec un organisateur pendant que je faisais la queue pour obtenir mon pass et c’est le truc qui fâche tous les ans. Une chose est sûre : mieux vaut acheter son pass carrément sur place car 1) c’est moins cher ; 2) avoir déjà un billet ne vous dispense pas de récupérer le pass, donc vous devrez faire la queue aux guichets d’achat des billets comme si vous n’aviez rien payé.

Le  6 octobre c’était « Islande, une passion française » à l’Opéra Bastille, dans le cadre du Monde Festival en compagnie d’Arni Thorarinsson, dEric Boury, d’Audur Ava Olafsdóttir et de Matthias Malzieux. Sympathique moment, une fois encore, mais photos interdites ! Je ne sais pas pourquoi, mais la rencontre était filmée, donc peut-être sera-t-elle diffusée.
Je ne connaissais rien de la maladie orpheline de Matthias Malzieux qui finalement l’a conduit en Islande une fois qu’il allait mieux, pour un challenge de faire un road trip là-bas sur un skate board à moteur (évidemment, ça ne s’est pas franchement passé comme il l’imaginait !). De son amour pour ce pays et de son rêve de pouvoir mettre un jour une aurore boréale dans un tube à essai.  L’envie du coup de lire Un vampire en pyjama qui a eu le prix Elle catégorie documentaire il y a quelques années.  Je le veux en version poche avec le « carnet de board » ! Un plaisir d’écouter Arni Thorarinsson parler de son pays, d’être content que les touristes y viennent et de ne pas être inquiet de la hausse du tourisme dans l’île, du statut de la poésie là-bas etc. Pour Audur Ava, l’Islande est comme un monastère à cause du silence qui y règne. Elle parle de son pays comme d’un corps à explorer dans ses romans. Une auteure parfaitement francophone qui a connu d’abord la notoriété en France puis, par ricochet, en Islande. Eric Boury, traducteur d’Arni Thorarinsson a évoqué ce qu’il l’a amené à vivre plusieurs années en Islande : convaincu que c’était le seul moyen d’arriver à parler vraiment cette langue où tout se décline, sauf les adverbes, après l’avoir étudiée à l’université de Caen. Bon, si j’ai bien compris, en gros le gaélique à côté, c’est facile… 🙂

Voici le clip « islandais » du périple à en skate board à moteur de Matthias Malzieux

Changement d’univers avec une rencontre pas comme les autres le 16 octobre dans les locaux de L’Ecole des Loisirs pour écouter Rana Ahmad, dont j’ai longuement parlé du livre sur le blog, Ici, les femmes ne rêvent pas. publié aux éditions du Globe et en lice pour le Grand Prix des Lectrices, catégorie « Documentaire« . 44222668_2350101548365359_6563241990052380672_oJ’avais lu le livre. Je voulais absolument y aller, je savais que l’auteure serait présente à Paris car on avait eu une info en qualité de jurée, mais sans plus d’informations sur les modalités, le lieu etc. Ben j’y suis allée, invitée par l’éditrice, que je remercie vivement pour son attention. Une salle pleine à craquer pour écouter cette jeune femme de 32 ans parler de sa vie en Arabie saoudite, de son évasion, de son apostasie, de son combat et de ses rêves. On en ressort tourneboulé, même si on a lu le livre avant. On espère que ce livre ira loin.

Etirer les journées car 24 heures commencent à être un peu limite pour tout cumuler. Ce n’est pas très nouveau, mais ça se confirme. 🙂 Maintenant, je retourne vers ma bonne pile de livres à lire pour ELLE, qui me fait jubiler comme si j’étais une enfant de 4 ans devant une montagne de friandises ! Mine de rien, il y a du boulot avec les 7 livres pour mon jury et les 3 pour la « relecture » des livres sélectionnés par le jury de novembre. 🙂

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A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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