Traduit par Marianne Segol-Samoy
Nouvelle lecture pour le Grand Prix des Lectrices ELLE et cette fois je vous embarque dans les tourbières de Suède.
Nathalie fait une thèse de biologie sur les tourbières d’Europe centrale et du nord. A cette occasion, elle quitte Göteborg où elle vit depuis plusieurs années pour retourner dans sa région natale, une région reculée, pétrie de tourbières, entre le Dasland et le Värmland. Est-ce vraiment sa thèse qui l’amène à retourner là-bas ? Nathalie elle-même s’avoue que ce n’est pas tout à fait le cas. Une succession de drames lui a fait quitter la région pour faire table rase du passé. Du moins le croyait-elle. Mais on ne peut pas oublier le décès étrange de sa meilleure amie doublé d’une tragédie familiale ? Nathalie loue une maison sur le domaine d’un vieux manoir qu’elle connait bien. D’un côté la forêt, de l’autre, la tourbière. Pas n’importe laquelle : une certaine tourbière appelée la Tourbière des Sacrifices. Elle se lie d’amitié (et même un peu plus) avec un jeune homme qui a pour habitude de faire son jogging dans le coin. Mais à la suite d’une étrange circonstance, il échappe à la mort près de la tourbière et se retrouve dans le coma à l’hôpital. La police voit rouge car au même endroit, plusieurs personnes ont disparu auparavant, comme avalées. Tracy, l’amie d’enfance de Nathalie semble elle-même y avoir été irrésistiblement attirée. Maya, photographe de police mais aussi artiste, va mener une drôle d’enquête, de même que Nathalie, pour des raisons différentes.
J’étais un peu réticente au début, mais à l’instar de cette tourbière maudite, je me suis laissée engloutir par cette histoire qui vous embarque dans un coin paumé de Suède , parsemé de « petites mares, tels des yeux remplit d’eau », dans « un paysage composé d’étendues brumeuses, de pins rabougris et de terres pentues », « un paysage qui ne séchait jamais (…) constamment gorgé d’eau », ou des gamines ont construit une cabane dans un lieu interdit. Voici Un thriller avant tout atmosphérique. Le personnage principal est un élément végétal, à savoir cette fameuse tourbière, qui ressuscite croyances populaires et peur du fond des âges. « A l’âge de fer on y faisait des offrandes aux dieux. On aurait même sacrifié des hommes. » « (…) la tourbière qui pendant des milliers d’années [a] été considérée comme un lieu possédant une âme ». Dans les années 2000, on y a retrouvé un cadavre, appelé depuis la Fille aux Airelles. Puis sept cadavres retrouvés. Rien de tel pour relancer le « mythe », les vieilles superstitions.
On croise un professeur de physique théorique et amateur de mécanique quantique, Göran Dahlberg, reconverti en chasseur de fantômes (ne riez pas !) mais pas comme ceux qu’on imagine. Ce bonhomme fou, à la fois effrayant et attachant, a compulsé nombre de livres sur le sujet, dont un écrit par quelqu’un qui porte son nom : Fréquenter les fantômes de Göran Dahlström (Att umgås med spoken), cité en introduction du roman. On comprend à la fin du roman pourquoi ça l’intéresse. Nathalie a aussi rendez-vous avec les fantômes du passé. Malgré les pieux retrouvés dans les cadavres des tourbières pour empêcher les âmes de revenir hanter les vivants, elle va faire face à la réalité.
J’ai apprécié l’allusion écologiste de cette histoire, mais qui aurait peut-être pu être approfondie au lieu d’être à peine effleurée : celle des conséquences des disparitions des tourbières. Nathalie explique qu’elle « mesure les émissions de gaz à effet de serre sur des tourbières », qu’elle « va mesurer la quantité d’azote, de protoyde d’azote et de méthane émise par la tourbière. Le protoxyde d’azote et le méthane sont des gaz à effet de serre bien plus puissants que le dioxyde de carbone. Ils ont une plus grande influence sur le climat. « Sans les gaz à effet de serre on ne pourrait pas vivre sur terre. Il ferait trop froid. Le problème, c’est que la hausse de la température moyenne fait que les processus dans le sol s’accélèrent, ce qui engendre une augmentation de l’émission de gaz à effet de serre et donc une augmentation du réchauffement global. »
Ceux qui veulent en apprendre un peu plus sur la différence entre la mousse et la sphaigne, les différentes tourbières, eh bien c’est intéressant aussi. Ceux qui ne savent pas qu’on retrouve régulièrement des cadavres intactes dans les tourbières, eh bien ce n’est pas de la science fiction et ce livre explique pourquoi (moi je le savais déjà, pour avoir visité quelques musées en Irlande et en Suède (ou au Danemark, je ne sais plus) où sont exposés les plus anciens. Ce roman donne envie d’aller jeter un oeil au musée de Karlstad, d’ailleurs.
J’ai aimé cette atmosphère gothique, à la sauce suédoise, avec le vieux manoir et ces histoires de fantômes. La résolution de l’intrigue est un peu convenue certes (mais je me suis trompée sur le supposé coupable), mais l’essentiel n’est peut-être pas là. C’est tout le reste. Alors je pardonne à Susanne Jansson de n’avoir pas tant creusé que ça ces deux héroïnes humaines pour faire la place belle à la nature. J’ai aimé le clin d’oeil du dernier paragraphe. On passe un bon moment avec ce livre, pour qui aime la nature et les coins perdus.
Susanne Jansson est journaliste et photographe free-lance. On le sent à la lecture de ce thriller assez documenté. C’est son premier roman. Il sort le 21 février. Je lirai sans doute les autres, si elle en écrit.
Même si ce n’est pas le polar du siècle, il fera sûrement l’affaire. Je note. Merci.
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Pour ceux qui aiment les atmosphères tourbees c’est un bon livre.
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Il est vrai que je ne connais rien des tourbières. Alors pourquoi pas, en plus, c’est un polar.
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On passe un bon moment !
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