Traduit par Charles Recoursé
Jojo, treize ans, vit chez ses grands-parents, dans une ferme du Mississippi, avec sa mère, Leonie, et sa petite sœur, « Kayla ». Son père purge sa peine au pénitencier d’Etat de Parchman. Pendant ce temps, Leonie, accroc à la drogue, est bien incapable de s’occuper de ses enfants. C’est Jojo qui s’occupe de sa petite sœur. Quand Michael sort de prison, Leonie met ses gamins dans la voiture, et part accompagnée avec son amie Gloria, une Blanche pas moins junkie qu’elle, pour aller chercher le père de ses enfants. Le détail qui à nos yeux n’aurait fait aucune différence mais qui, dans le Mississippi fait de cette famille une famille de parias : Leonie est noire, Michael est blanc. Si Jojo connaît ses grands-parents maternels qui lui servent de parents de substitution, il ne sait rien de ses grands-parents blancs, qui refusent tout contact avec leurs petits-enfants à cause de leur couleur de peau. Pourtant, à sa sortie de prison, Michael décide de prendre le taureau par les cornes, d’affronter son père, de lui présenter ses enfants. Pendant ce temps, la grand-mère maternelle de Jojo se meurt doucement d’un cancer. Leonie est hantée par l’assassinat de son frère Given, encore enfant au moment des faits, un meurtre déguisé en accident de chasse. Quant au grand-père de Jojo, il raconte à son petit-fils, l’histoire de Richie, gamin de douze ans, qui a pris trois ans « pour avoir volé de quoi manger », le plus jeune détenu de Parchman à l’époque.
« Là il n’y a que des odeurs salées : l’océan et le sang » , « ça sent la pluie et la cendre », la flamme rouge de ceux qui souffrent. Jesmyn Ward signe un roman époustouflant. A travers l’histoire dramatique de cette famille, hantée par ses morts, l’auteure redonne vie et droit à la parole à ceux qui ont succombé à la dure « loi » des fermes pénitentiaires du Mississippi, nouvelle forme d’esclavage pernicieux. Un road trip à travers le temps où présent et passé se rejoignent. Elle ouvre la porte de ces prisons à ciel ouvert, juste entourées de barbelés, où les prisonniers travaillent dans les champs sous les ordres des tireurs, prisonniers armés, pire que les autres, pas là pour une simple bagarre de comptoir. Certains n’hésitent pas à découper en morceaux les fuyards noirs. Ou pourquoi, pour avoir une mort digne, il vaut mieux qu’on vous tire une balle dans la tête avant que ces gardiens vous rattrape, quitte à faire disparaître votre cadavre dans l’estomac d’un chien alléché par l’odeur du sang.
Une écriture envoûtante et une analyse fine d’un problème viscéral dont les cicatrices du passé ne sont pas encore refermées.
Un roman polyphonique, qui a l’originalité de faire intervenir le fantastique. Le dénouement vous étreint la gorge. Il est impossible d’oublier ce livre une fois refermé. C’est sûr, le chant des revenants me hantera encore longtemps, comme le drame de cette famille.
Un immense coup de cœur pour cet ouvrage qui dénonce le racisme ordinaire au Mississippi, et la difficulté d’être noir, de manière originale et forte.
Jesmyn Ward est la digne héritière à la fois de Toni Morisson et de William Faulkner, c’est certain ! Mes mots ne sont pas assez forts pour dire tout le bien que j’en pense. Pour moi, ce roman confère au chef-d’oeuvre !
Le style peu abouti m’a vraiment gêné pour apprécier ce roman.
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Ah bon ?? Moi je l’ai trouvé magistral, très travaillé et original. Ca change de tout ce qu’on peut lire. Elle s’occupe aussi d’ateliers d’écriture. Avec Asta, c’est mon roman chouchou de chez chouchou. 😍
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Par moment j’ai trouvé que l’écriture transmettait une certaine langueur propice au climat du Mississipi mais sinon j’ai bien aimé 🙂
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Mon chouchou, avec « Asta ».
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Une grande découverte pour moi aussi. 🙂 Ravie de lire ton plus que positif ! 😀
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Un très grand roman, c’est certain !
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