« Autobiographie de mon frère », c’est ce qu’annonce le sous-titre. « Le moment est venu, je ne sais trop pourquoi, car il est vivant, d’écrire sur lui, de démêler ce que, d’ouï dire en secrets toujours à demi dévoilés et du fait simplement de notre enfance partagée, j’ai pu saisir de son désespérant silence, de sa persévération dans une irréversible absence à soi-même. En réalité, je sais que mon chagrin est brusquement devenu incompréhensible, au point qu’il me faut bien, maintenant, me souvenir et réfléchir, quitte à imaginer ce que j’ignore. »
C’est en ces termes que commence le récit d’Elisabeth de Fontenay, dont le frère, aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans, est autiste. Elle choisit de « ne pas exposer son prénom », comme si le faire le mettait en danger. Elle choisit Gaspard pour l’initiale et par référence à Gaspard Hauser, cet adolescent recueilli en 1828 à Nuremberg, « tragique destin de ce fils de prince » , chanté par Verlaine ; et puis Gaspard de la nuit, titre d’un poème en prose bien connu, d’Aloysius Bertrand, en raison de l’alliance troublante du prénom avec la nuit.
Elisabeth de Fontenay livre un court récit d’à peine 130 pages. Pourtant la densité et l’érudition sont au rendez-vous. L’auteur privilégie une approche pluridisciplinaire, à la fois psychanalytique, philosophique, médicale et historique. Elle pointe du doigt le sort tragique réservé aux êtres différents, aux personnes handicapées, à travers l’Histoire. Du temps du nazisme, mais pas seulement. De la culpabilisation des mères, à l’ignorance, de la bêtise crasse à l’embarras, les motifs ont été variés pour faire disparaître dans l’ombre des innocents, au sens fort du terme.
Dans ce récit digne et pudique, l’approche très érudite risque malheureusement de ne pas le rendre accessible à tous les publics. C’est le seul défaut que je trouve à ce livre très profond et intime.
Malgré le prix qu’il a reçu, cette histoire ne me tente pas.
J’aimeJ’aime
Je comprends. Réflexion très philosophique, normal au regard du profil professionnel de l’auteure.
J’aimeJ’aime