Il y a quelques années, j’ai lu Irlande, nuit celtique, qui était le dernier roman en date de Dominique Le Meur et qui m’avait bien plu car l’histoire était vraiment ancrée dans l’Irlande contemporaine ; l’intrigue n’était finalement qu’un prétexte pour raconter se qui se passait à l’époque où le fameux Tigre Celtique se cassait la figure. C’est donc avec pas mal de curiosité que j’ai accepté de recevoir son nouveau roman, La promesse de Dublin, qui nous plonge quelques années plus tard, avec d’autres personnages pour un autre récit.
Rían est marié à Shona. Il vit à Limerick. Quelques jours avant son mariage avec celle-ci, il a rencontré, dans le cadre de son travail, Madison, une Québécoise qui vit en Irlande mais devra rentrer au pays un jour ou l’autre. C’est le début d’une double vie, d’une vie de mensonge et de malhonnêteté pour Rían. Une vie de casse-tête. Une vie d’oppression qu’il s’est construit tout seul. Il devient l’allégorie vivante de L’homme de la plaine du peintre expressionniste Erich Heckel, qui orne d’ailleurs son logement. Non seulement, il épouse Shona, mais il continue de voir Madi, sans complexes. Il lui a même fait une promesse, (qui donne son titre au livre), « une sorte de bague de fiançailles verbales qui cré(en)t des obligations » (un jour, tout plaquer pour la rejoindre à Montréal). Au moment où commence le roman, il a mis à exécution sa promesse. Il débarque à l’aéroport de Montréal, avec quelques bagages, pour vivre définitivement au Québec, larguant derrière lui, une vie d’oppression, selon lui. Seulement voilà : personne à l’arrivée. Rían se retrouve face à lui-même et se remémore sa rencontre avec Madison, Shona, et cette l’Irlande en évolution… Contre toute attente, la République d’Irlande vient de légaliser le mariage pour tous sans difficulté lors du dernier référendum. Mais, par ailleurs, le gouvernement a décidé de créer un nouvel impôt : celui sur l’eau. La majorité des Irlandais, ne l’entend pas de cette oreille dans un pays où il pleut tant. La lutte s’organise contre l’oppression par l’impôt, une lutte à laquelle Rían a participé activement, entraîné par ses amis et Madison.
Mais pour l’instant, Rían se trouve comme l’arroseur arrosé : seul et homme de la plaine.
On se retrouve face à un personnage pas vraiment sympathique. Du moins, il m’a vraiment agacée ce type ! Je me suis demandé comment ça allait se terminer pour lui. La fin est assez surprenante, ironique : ce qui lui arrive est un peu absurde. Avoir fait tout ce chemin pour en arriver à…. (biiiiiip ! vous devrez lire le livre pour le savoir).
Rían fuit l’oppression, entend vivre libre. Mais ne serait-il pas un peu bipolaire le bonhomme, j’exagère à peine ? Le portrait qu’il fait de son épouse est celui de la femme qui a su serrer le pigeon et le faire tomber dans le nid pour une vie conformiste. « Avec Shona, les choses avaient été somme toutes rapides. Les éléments de construction s’étaient agencés avec une logique sûre. Très vite, les rencontres s’étaient agencées avec une logique sûre. (…) Elle s’était mise à sauter de joie, puis a crié à un couple qui passait.
– Je suis amoureuse. Mon homme et moi, on va habiter ensemble ! » (…) J’ai demandé Shona en mariage lors d’un dîner au Dromoland Castle, un hôtel chic du comté de Clare (…). La bague aux entrelacs brillants surmontés d’un diamant l’a ravie et elle a beaucoup pleuré. » Bref, une vraie bécasse ! Pas facile à vivre, pour couronner le tout, du genre à faire des crises. « Ces crises existaient bien. Ce n’était pas une invention. (…) Shona était ainsi. » Finalement, on se demande pourquoi ils se sont trouvés, mariés si ce n’est pour rentrer dans la norme que veut leur imposer la société.
Madi est tout le contraire de Shona mais c’est un peu étonnant qu’elle gobe tout ce que lui raconte Rían quand il ne peut pas la rejoindre (ouais, une vieille mère malade, avec qui il vit… :p ). Et c’est également étrange que Shona croit aussi toutes ses balivernes sur la longueur. Ou pas. Le mystère est bien entretenu finalement car la narration alterne entre le récit que fait Rían et un récit à la troisième personne qui dévoile des choses qu’il ignore.
Alors, pourquoi Madison n’est-elle pas à la porte des arrivées de l’aéroport à Montréal ? La deuxième partie du roman le révèle. « Une machine sans pitié. Une envoyée du passé ou du futur avec une mission dont il ne sortirait pas indemne. » Il ne va pas y avoir un coup de théâtre, mais deux !
Au début, le roman m’a un peu désarçonnée à cause de ce personnage principal agaçant mais aussi parce que ses histoires de coeur prenaient le dessus sur l’arrière fond sociétale dans lequel se situe l’histoire et que j’aurais aimé peut-être plus présent. Puis j’ai fini par me laisser porter par ce roman d’une ironie grinçante. 🙂 On le referme avec un drôle de sourire aux lèvres.
Je vous (re)parle un peu de l’auteur : Dominique Le Meur est bien français, il vit à Limerick depuis les années 1990 où il enseigne la langue de Molière à l’université. Outre, Irlande, nuit celtique, il a écrit plusieurs romans :
Où va-tu Irlande ? qui se situe dans les années 70 et met en scène l’Irlande et l’Irlande du Nord en particulier ;
Par-delà les murs, qui se passe de Belfast Ouest à Berlin Est. dont Le Monde Magazine a écrit que c’est « une belle histoire d’Europe, des personnages attachants qui se débattent dans l’Histoire. Un roman dans lequel on a le temps de s’installer et que l’on est triste de quitter. Un vrai bon livre. » Il est lauréat du Prix du Roman en Ligne 2010, dans la mention « adaptable à l’image »;
Retour vers l’ailleurs « revient sur les bouleversements sociaux, économiques et culturels que l’Irlande a connu ces dix dernières années ».
En tout cas je remercie chaleureusement l’auteur.
Les petits veinards qui habitent Limerick pourront rencontrer Dominique Le Meur le
30 mai à partir de 19h30 à la librairie de la ville (Michael Street, of course), pour une soirée de lancement du roman La promesse de Dublin, organisée par l’Alliance française de Limerick. Dominique Le Meur intervient aussi régulièrement au festival franco-irlandais de Dublin.