Le bruissement des feuilles – Karen Viggers

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Traduit par Aude Carlier

Une fois encore, je sors de ma zone de confort : quand je vois ce genre de bandeau « 400 000 exemplaires vendus », je sens l’attrape couillon ! Les best seller n’étant pas forcément le meilleur de la littérature, ça se saurait (mais il y a des exceptions)… Mais voilà, les romans de Karen Viggers m’ont été conseillés par mes parents qui ont dévoré ses deux premiers romans, La mémoire des hautes falaises et La mémoire des embruns. Ne me souvenant plus des titres exacts recommandés, j’ai pioché au hasard de ce qui était sous mes yeux, à savoir Le murmure des feuilles qui est son dernier roman. Faire un petit tour en Australie, plus précisément en Tasmanie n’était pas non plus pour me déplaire, surtout que ça parlait de forêt…

Je vous livre carrément la 4e de couverture : « Dans une petite ville australienne, Miki, dix-sept ans, vit coupée du monde avec son frère. Lorsqu’elle fait la connaissance de Leon, qui partage sa passion pour la nature, un monde nouveau s’ouvre à elle. Leurs promenades en forêt seront une révélation pour Miki et lui permettront de trouver le courage de s’émanciper.
Aux côtés de la jeune fille et du garde forestier de l’inoubliable Memoire des embruns, Karen Viggers nous fait pénétrer au coeur des forêts d’eucalyptus et des majestueuses montagnes de Tasmanie, signant une ode à la nature et à son pouvoir de guérison. »

Je me demande si la personne qui a rédigé cette quatrième de couv’ a réellement lu le roman. Mais c’est un autre problème (assez récurent d’ailleurs).  Miki et son frère Kurt tiennent le restaurant (un fast food, car je ne pense pas voir de restaurants comme en France en Australie). Leurs parents sont décédés dans l’incendie qui a ravagé leur ferme, dont ils sont tous les deux rescapés. Miki a été élevée cloitrée, à l’écart du monde extérieur par des parents rigoristes. Sa vie ne va pas changer pour autant puisque Kurt va en faire une esclave : elle tient le restaurant, sert les clients, fait la cuisine et nettoie pendant que lui s’occupe de la comptabilité. Dès que le restaurant ferme, Kurt la tient verrouillée dans la maison. Innocente, la jeune fille ne voit tout d’abord pas vraiment que cette attitude est anormale, même si à l’approche des ses dix-huit ans, « leur modeste commerce était trop petit pour elle. Elle aspirait à davantage de responsabilité, de libertés. Seulement Kurt avait construit tout un échafaudage de règles autour d’elle. Elle devait limiter au minimum les échanges avec les clients. Eviter de les regarder dans les yeux. Garder la tête basse sans cesser de travailler (…) Avec ses dix ans de plus qu’elle, il était son tuteur ». Sa récompense, c’est quand son frère l’emmène en forêt.
« A la ferme, elle n’avait vécu que pour les dimanches. Après les besognes, elle troquait sa jupe pour une salopette et elle filait derrière le verger, dans la forêt où elle se sentait pousser des ailes. (…) A mesure que le bush se refermait sur eux, Miki éprouvait une légèreté nouvelle (…). Elle adorait le bruissement des feuilles, le grincement du bois, le murmure du vent dans la canopée, le craquement des brindilles sous ses pieds, l’odeur mentholée des buissons. Dans le bush, elle avait l’impression d’être plus vivante, plus réelle. La semaine s’effaçait, (…) elle était quelqu’un. Elle-même. Une jeune femme plein d’espoir et d’avenir ». Que de redondances…

Miki a une passion particulière pour les diables de Tasmanie, animaux craintifs avec lesquels pourtant elle a réussi à établir un lien de confiance. Ces animaux sont en voie de disparition en raison de la maladie mortelle qui les affecte. C’est ce qu’elle va apprendre par le biais de Leon, un jeune homme qui se fait embaucher comme garder forestier (un personnage qui apparaît dans le volume précédent, d’après ce que je comprends sur la quatrième de couverture). Il est originaire d’une île voisine, qu’il a quitté pour fuir son père, un homme violent qui bat sa femme ! Miki repère Leon au restaurant et finit par se lier d’amitié avec lui. Leon sympathise également avec Max et Wendy, un petit garçon et sa mère qui habite la maison voisine de la sienne. Il se trouve embarqué un peu contre son gré, dans une histoire de sauvetage de chiots voués à la noyade si Shane, le père de famille les trouve. Shane est bucheron, comme pratiquement tous les hommes du village. Il voit d’un très mauvais oeil l’arrivée de ce garde forestier écolo.
Miki va trouver un moyen de sortir à l’insu de son frère, quelques heures par semaines. Elle se lie d’amitié avec Geraldine qui tient l’office du tourisme, tout en étant une grande lectrice  : elle va lui proposer de nouvelles lectures. Miki s’évade en littérature en lisant et relisant le peu de livres qu’elle possède, Les hauts de Hurlevent, Jane Eyre... dont les héroïnes l’inspirent. Geraldine va lui prêter Le petit prince, Loin de la foule déchaînée

Et puis il y a le grand-père de Leon, mémoire vivante…

Karen Viggers tisse plusieurs fils narratifs qui abordent la maltraitance, le harcèlement, les secrets de famille, la déforestation et ses conséquences, le pouvoir inspirant de la littérature, mais aussi le trafic de drogues. Les personnages de Miki, Max, Wendy et Leon sont attachants. On croise une foule de personnages mais sans s’y perdre. Il y a pas mal de brutes mal dégrossies dans ce roman, qui sont les bûcherons, sans parler de Kurt. Karen Viggers montre que la création de parcs naturels a pour conséquence la perte des emplois des bûcherons qui ont toujours vécu de cela (d’où leur colère envers les écologistes). Elle évoque également les nouvelles manière de « bûcheronner », avec des machines qui détruisent la forêt en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, des conséquences irréparables sur la faune comme sur la flore.

Cependant, si le récit est entraînant et qu’on ne s’ennuie pas, j’ai trouvé que ce livre n’allait pas au fond des choses, que l’aspect écologique n’était finalement qu’une thématique d’arrière plan que l’on retrouve vraiment à la fin du roman seulement. Il est question de beaucoup de choses dans ce livre, qui finalement parasitent l’aspect écologique. Le bruissement des feuilles semble est aussi (et surtout) un roman d’apprentissage, c’est finalement ce qui  retenu mon attention, avec un goût de déjà-lu. Quant aux diables de Tasmanie, ils disparaissent du récit aussi vite qu’ils sont apparus. Le dénouement (en fait, il y en a plusieurs) est un chouia invraisemblable à mon goût.

Bref, je ne me suis pas ennuyée avec ce pavé de 569 pages, même si je pense qu’il aurait être nettement plus court ! Je me suis laissée distraire par ce roman facile, avec ses avantages et ses inconvénients. Ce n’est pas une lecture inoubliable, il n’a aucune qualité stylistique particulière. Je vais sans doute me laisser tenter un de ses jours par le tout premier de l’autrice. J’ai comme la vilaine impression que sous demande éditoriale, l’autrice a quelque peu éreinté ce qui a fait son succès. Karen Viggers est vétérinaire, spécialiste de la faune sauvage.

La prochaine fois, je vous entraîne dans Un été norvégien d’Einar Mar Gudmundsson, que je vous conseille d’ores et déjà si vous aimez les romans tendance Beat Generation et Esprit d’hiver de Laura Kasischke (Grand Prix des Lectrices Elle 2014).

 

 

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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4 commentaires pour Le bruissement des feuilles – Karen Viggers

  1. Bon et bien je crois que je ne m’y arrêterai pas…. Moi aussi je suis assez distante avec les romans aux bandeaux un peu trop accrocheurs 😊

    Aimé par 1 personne

  2. alexmotamots dit :

    Encore une 4e de couverture qui a tout faux. C’est énervant….

    Aimé par 1 personne

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