J’ai terminé Apeirogon de Colum McCann il y a quelques jours. Et depuis, je me sens orpheline !😭 Le terme n’est sans doute pas tout à fait approprié mais je suis en état de manque, après avoir terminé un roman exceptionnel. J’ai lu ici ou là que c’était un livre difficile à lire. Pour moi, ce ne fut pas du tout le cas. 643 pages dévorées, complètement happée tant par la construction singulière que par l’histoire de deux personnes réelles, des amis de l’auteur.
Colum Mccann raconte la vie de Rami l’Israélien et de Bassam, le Palestinien, réunis par une même tragédie qui les a frappés à dix ans d’intervalle : la mort de leur fille, victime innocente de la guerre fratricide qui se livrent les deux communautés. Toutes les deux se sont trouvées par hasard au mauvais endroit au mauvais moment. Des frappes aveugles ont mis fin à leur vie. L’innocence pulvérisée. Les deux pères auraient pu céder à la vengeance et à l’appel à la haine comme nombre de leurs compatriotes. Continuer l’engrenage infernal. Pourtant, ils choisissent la voie du changement et deviennent des militants pour la Paix en allant raconter leur histoire auprès d’organisations, comme celle des Combattants pour la paix, ou du forum familial le Cercle des parents. Ils essaient d’oeuvrer ainsi pour le rapprochement des deux peuples, sans attendre que les gouvernants décident un jour quelque chose.
Colum McCann utilise la forme géométrique complexe au nombre infini de côtés pour exprimer – justement – la complexité de la situation, où rien n’est blanc et noir ou encore gris. Un peu à la manière de Shéhérazade il raconte mille et un faits, historique, mathématique, philosophique, anecdoctique, sociologique, archéologique, géographique, ornithologique, militaire, chimique, musical, linguistique, religieux … de manière brève ou moins brève. Complexe mais finalement on s’en fiche. La manière géniale qu’a trouvé l’auteur de retenir l’attention du lecteur est justement, à mon sens, de décrocher son attention sur un autre sujet, a priori – car pourtant tout se tient – à l’infini. Il a expliqué qu’il avait écrit de cette manière car lorqu’on lit sur les réseaux sociaux ou sur internet, on lit de cette façon, en passant d’un sujet à un autre. On « scrolle ».
C’est un récit très humaniste, qui échappe avec habileté aux bons sentiments, par un jeu d’équilibre réussi. Colum McCann creuse le passé de ses personnages. Un Palestinien ex-terroriste, qui n’a subit que l’humiliation, la prison, la dépossession ; un Israélien soldat de la guerre du Kippour, fils d’un rescapé de la Shoah. Bassam, le Palestinien, découvre et étudie la Shoah en prison. Peu à peu il s’intéresse à son ennemi héréditaire que finalement il connaît si mal. Les deux amis subissent la réprobation de certains de leurs pairs. Parfois, ils tombent sur des manifs à leur encontre : « Il n’était pas un vrai Israélien, disaient-ils. Il ne connaissait pas le sens de l’Histoire. Il couchait avec l’ennemi. Il était contaminé. Un yafeh nefesh. Il faisait entrer des terroristes chez eux, il empoisonnait les cerveaux de leurs enfants. Ne voyait-il donc pas qu’il trahissait ? Comment pouvait-il partager la scène avec un poseur de bombe ? » Leur militantisme pour la paix n’est pas un long fleuve tranquille, les préjugés dus à la violence de part et d’autre étant encore tenance.
« Les collines de Jéricho sont un bain d’obscurité. »
« Les collines de Jérusalem sont un bain de brume. »
Deux phrases qui ouvrent et ferment le livre comme un écho.
Un roman très érudit mais qui se lit très facilement, où l’on apprend foule de choses, peu importe si le lien est fait entre toutes dans notre esprit. C’est un ouvrage d’une remarquable beauté. Un chef-d’œuvre littéraire comme on en lit peu dans sa vie. Même quand on lit beaucoup ! Triplement primé en France. Ce n’est pas pour rien !! Alors lisez-le : vous en sortirez sinon meilleur, mais en tout cas plus savant !
Grand Prix des Lectrices ELLE 2021
Prix Montluc Résistance et Liberté 2021
Prix du meilleur livre étranger 2020 Sofitel
Un gros coup de ❤❤❤ Quel bonheur de lire des propos intelligents !😉
J’avoue je l’ai abandonné à la moitié … Mais depuis je n’arrête pas d’y penser et reste très présent… Je le reprendrai je pense 😉
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J’espère ! Je suis étonnée que certains aient laissé tomber à cause de la forme. Je me disais que j’allais avoir du fil à retordre. Mais non ! Au contraire, cela m’a passionnée !
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Même ressenti, une construction brillante mais surtout des personnages attachants. Une histoire passionnante
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C’est exactement ça !
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Merci pour ce billet, qui me rassure et m’encourage : je l’ai acheté lors de sa sortie en poche, mais craignant sa complexité, je l’ai laissé depuis sur mes étagères…
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J’ai vu des commentaires disant que c’était un livre difficile à lire. Personnellement, je n’ai pas trouvé. C’est une narration innovante mais réussie.
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Tu donnes envie de s’y lancer : mais je crains de faire comme Ingannmic et de le laisser attendre sur mes étagères !
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C’est un chef-d’œuvre. Je l’avais acheté en ebook, commencé à lire un peu mais j’avais d’autres lectures en cours. Puis j’ai acheté la version poche et les plus de 600 pages n’ont pas fait long feu !
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2 papas que l’on n’oublie pas. Un roman fort.
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Oui et également tout ce qu’il y a autour.
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