
Je sais depuis longtemps que Benoîte Groult avait quelque chose à voir avec l’Irlande pour avoir lu 2 de ses romans, La touche étoile, en particulier . J’ignorais quel était exactement ce lien. J’ai compris quand a été publié en 2018, et après sa mort, Journal d’Irlande – Carnet de pêche et d’amour 1977-2003. Benoîte Groult et son mari Paul Guimard ont acheté une maison en 1977 en Irlande, après y être venus pendant plusieurs étés en camping camping-car. Pas n’importe où la maison, dans l’une des plus belles régions d’Irlande, le Sud-ouest , mais aussi l’une des plus touristiques : précisément, le comté de Kerry. Benoîte est férue de pêche. C’est pour cela qu’elle vient en Irlande chaque été pour quelques semaines, guère davantage, taquiner le bouquet (= crevette rose), la crevette (=crevette grise), le crabe vert, le touretau (=le crabe pas vert), le lieu, le maquereau…
Benoîte, dans ton journal, sérieux, tu n’arrêtes pas de brailler après la météo du Kerry, car il brouillasse, il bruimasse, il « drizzle ». J’ai envie de te dire que tu n’as choisi ni la bonne région ni la bonne saison pour assouvir ta passion de la pêche à pied. Tu as choisi la région la plus humide, en particulier ce petit bout perdu de Kerry à Bunavalla, près de Waterville. Forcément, dès qu’il pleut, on n’y voit plus ses pieds car ça fait du brouillard avec la mer. Je le sais, je l’ai vécu plusieurs fois, j’ai fait trempette dans la mer en plein brouillard, ça te réveille un mort et l’avantage c’est que personne ne te voit si au gré des vagues ton maillot de bain a décidé de vivre sa vie. 😄 C’est pas pour rien qu’il y a par là un paradis des surfers. C’est pas un coin pour la bronzette, tu vois.
Tu m’as pas mal fait rire, tu m’as pas mal agacée aussi avec ton caractère de cochon. J’ai souvent eu le sourcil en accent circonflexe, mais j’ai lu ton journal avec intérêt car cela m’intéresse toujours d’avoir un regard français sur un pays de coeur. On croise beaucoup de monde chez toi. Il manquait juste Pierre Perret, qui a une maison dans le Connemara. C’est mon presque voisin et c’est drôle de savoir que lui aussi adore l’Irlande.
Tu m’as filé plusieurs indigestions de bouquets et autres crabes. J’ai pensé à la surpêche. À l’épuisement de nos océans. Sans blague, tu es pire qu’un bateau de pêche industrielle quand tu t’y mets !😉 Mais, sur la fin de tes années irlandaises, tu remarques que l’industrie de la pêche commence à faire des ravages dans ton Paradis, avec cet élevage de saumons qui pollue, l’eau devient algo-mousseuse, un peu dégueu, quoi. Les crustacés se font plus rares, la pêche à pied plus compliquée.
J’avoue que c’est surtout la fin de ton journal, à partir des années 2000, qui a retenu mon intérêt. Les réflexions et l’humour noir, je sais pas, sont meilleurs. Tu évoques la canicule de 2003, qui a sévi en août, alors que tu viens récupérer tes dernières affaires avant le départ définitif. Quelle ironie ! Je l’ai vécueclà-bas, moi, cette canicule de cet été-là. Mémorable. Après 26 ans de pluie, tu écris : « Rien n’a changé dans le pré, mais l’été presque caniculaire, ici aussi, a transformé les jardins et donné un aspect normal aux arbres, fuchsias et autres verdures. On ne voit pas la souffrance des végétaux, cette année. L’Irlande va peut-être être la plus grande bénéficiaire du fameux réchauffement de la planète.« C’était peut-être pour fêter le départ ? Si je te dis que l’été 2021 a été encore pire…
Globalement, ton journal m’a un peu ennuyée. Seule le dernier tiers a retenu mon attention. Peut-être que je l’ai trouvé trop personnel (en même temps, c’est un journal), j’étais presque gênée par instants, de voir débouler ton amant connu de ton mari, dès que ce dernier avait quitté les lieux. Trop intime sans doute. Et puis des pages entières ne mentionnant que la pluie et les kilogrammes de crustacés pêchés ont fini par me lasser. Moi qui cherche une maison en Irlande, un petit truc très simple sans faire la fine bouche, pour mes vieux jours, plus de 2 mois par an, je t’ai trouvée très gâtée et finalement très difficile.
Mais tu m’as fait rire. « Le drame de l’Irlande, c’est qu’elle me rend laide ! Visage et jambes débrunis, cheveux comme une empilage de toiles d’araignée, joue blafardes comme le ciel et l’ennui. Je me demande chaque matin où est la vérité : dans le miroir de ma salle de bains, où je suis a faire peur, ou dans celui de ma chambre, beaucoup plus flatteur ? »
« Très fortes rafales cette nuit. Je retousse. Ce climat me ronge les poumons : je ne guérirait qu’en France. »
« L’Irlande est un pays épuisant. Il faut être jeune ou fou, ou ivrogne, ou abruti, pour y survivre : ou mieux, les quatre à la fois! »
Enfin, pas du meilleur goût la couverture avec Mitterrand, pourtant très absent du journal, sauf 1 jour en 26 ans (heureusement). C’est un peu rebutant. C’est sans doute pourquoi j’ai traîné à lire ce livre malgré sa parution en poche.
Une lecture en demi-teinte, entre rire et agacement. C’est assez bizarre, comme impression ! En tout cas, apocalyptique pour n’importe quel néophyte qui croira que l’Irlande est un pays invivable, arriérée, débile. Sachez que c’est faux, Benoîe abuse !😂
Tu l’as lu jusqu’au bout, pourtant.
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Oui. J’aurais eu tort de me priver, vu que la fin est meilleure que le reste.
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