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4e de couverture : « Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l’enfance dans sa cage d’or à Saïgon, l’arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d’un bateau au large du golfe de Siam, l’internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons dans le froid du Québec. Récit entre la guerre et la paix, ru dit le vide et le trop-plein, l’égarement et la beauté. De ce tumulte, des incidents tragi-comiques, des objets ordinaires émergent comme autant de repères d’un parcours. En évoquant un bracelet en acrylique rempli de diamants, des bols bleus cerclés d’argent ou la puissance d’une odeur d’assouplissant, Kim Thúy restitue le Vietnam d’hier et d’aujourd’hui avec la maîtrise d’un grand écrivain. »

Par ce roman court mais dense, Kim Thuy donne la parole à une narratrice, Nguyen An Tinh, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau : celle d’une femme vietnamienne d’origine chinoise, issue de la bourgeoisie de Saïgon. Père préfet, mère femme au foyer n’ayant jamais tenu un balai. Une famille poussée à l’exil par la victoire des communistes, les camps de rééducation et la confiscation de leurs biens, sous la surveillance d’un jeune inspecteur qui « avait marché dans la jungle depuis l’âge de douze ans pour libérer le sud du Vietnam des mains « poilues » des Américains ». La narratrice a parfaitement conscience de son état de privilégiée et remarque que « les filles et les garçons de la jungle possédaient tous les mêmes effets: un casque vert, des sandales faites de lanières de pneus usés, un uniforme et un foulard à carreaux noirs et blancs. L’inventaire de leur bien prenait trois secondes, contrairement au nôtre, qui dura un an ».

C’est l’exil et ses conséquences qui nous sont contés, mais aussi une page forte de l’histoire du Vietnam. La fuite dans la cale nauséabonde d’un bateau, partant « clandestinement » en toute connaissance de cause, tout simplement parce qu’il transporte des Vietnamiens d’origine chinoise, autrement dit, aux yeux des communistes, des « anticommuniste de par leur origine ethnique, de par leur accent ». Même si ces boat people ont emporté avec eux leurs souvenirs et toute la fortune qui pouvait l’être (des dollars cachés dans les serviettes hygiéniques des femmes, les diamants dissimulés dans des bracelets d’acrylique ou des cols de chemise), c’est pourtant une toute autre vie qui les attend. La narratrice, après avoir vécu avec ses concitoyens entassés dans un camp de réfugiés en Malaisie , au milieu des excréments et des vers blancs, a dû se reconstruire une identité et une vie au Québec, qui feront d’elle quelqu’un de différent, à tout jamais, une personne naviguant sans cesse entre passé et présent, racines sino-vietnamiennes et culture canadienne.

La narration, très « aérée » et aérienne, faite de textes brefs, sans vraiment de chronologie, à la manière d’une pensée vagabonde, file tel un « ru »  – un petit ruisseau -, sans pourtant gêner la lecture et la compréhension des événements. Kim Thuy donne à voir une série d’instantanés où le passé et le présent se rejoignent, pour ne faire qu’un : celui de l’identité complexe de la narratrice, au sens fort du terme.

J’ai beaucoup apprécié ce tour de force littéraire ou comment l’écrivaine arrive à dire tant de choses en si peu de mots, sans jamais étouffer ou affliger le lecteur malgré les vérités crues qu’elle décrit. Au contraire, elle le berce et l’émeut tout à la fois.

Ce livre est le récit pudique et « zen » d’une femme qui ne s’apitoie jamais sur son sort. Elle porte sur elle-même , sa famille et l’histoire du Viêtnam, un regard distant, touchant et dépourvu de rancoeur. J’ai vraiment été charmée et bercée par les mots !

A propos Maeve

Blogueuse littéraire depuis 2009, lectrice compulsive depuis l'âge de 6 ans ^_^ .
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