Traduit par Jean-René Dastugue
4e de couverture : « En rupture de ban avec son passé, Fin Macleod retourne sur son île natale de Lewis. La mort tragique de son jeune fils a détruit son mariage, et il a quitté la police. La lande balayée par les vents, la fureur de l’océan qui s’abat sur le rivage, les voix gaéliques des ancêtres… il pense pouvoir retrouver dans ces lieux de l’enfance un sens à sa vie. »
Je m’arrête là pour la citation de la quatrième de couverture, qui en dévoile ensuite trop à mon goût. Sachez juste qu’on retrouve un cadavre dans la tourbe… et que c’est tout un passé qui ressurgit. Evidemment, on pense tout de suite à un cadavre « préhistorique » ou presque, genre viking… comme le pensent au tout début les personnages. Ben non. Sachez par ailleurs que la tourbe ça conserve… même les tatouages.
Le passé qui ressurgit est avant tout celui du père de Marsaili, la copine et amour de toujours de Fin. Mais si le vieux Tormod est atteint de la maladie d’Alzheimer, si ça mémoire immédiate est altérée, il y a des choses qui ne s’oublient jamais et que la maladie ne peut effacer : sa vie d’enfant orphelin est gravé à tout jamais dans son esprit, comme le tatouage sur la peau du cadavre.L’occasion pour l’écrivain de nous promener dans des lieux encore plus paumés que Lewis et de nous embarquer sur les îles voisines : Harris, mais surtout Eriskay.
Et là, on sent le journaliste derrière l’écrivain (parce que oui, Peter May était journaliste avant d’écrire des fictions, mais on pourrait croire qu’il est originaire des Hébrides, tellement il connaît bien ces lieux où il a vécu cinq ans) : ou comment il nous apprend que pendant des décennies, les enfants orphelins ou abandonnés étaient déportés sur les îles Hebrides, surtout s’ils étaient catholiques et que c’est l’oeuvre de l’Eglise catholique elle-même.
Comme dans L’île des chasseur s d’oiseaux, on sent bien que l’intrigue est le support d’une analyse fouillée de la vie des gens aux Hébrides extérieures. Et ça, moi, j’adore ! Et je me suis tout autant régalée avec la description minutieuse, méticuleuse, du paysage, de la lande martyrisée par le vent, on tourne à gauche, on prend le sentier qui monte un peu pour admirer la plage, on redescend vers les maisons etc. En fait, tout simplement, on y est pour de vrai ! Pour avoir visité les îles Orcades, autre archipel d’îles écossaises, où l’on tenait à peine debout un jour de vent d’été, j’ose encore à peine imaginer la vie des gens – même s’ils avaient l’air heureux et en tout cas étaient chaleureux.
» Le paysage de North Uist était triste et primitif. Des montagnes élancées se perdaient dans les nuages qui cascadaient vers la lande pour s’y étendre en mèches brumeuses. Des carcasses des maisons depuis longtemps abandonnées et dont les pignons sombres se détachaient sur le ciel menaçant. Un pays de tourbe, hostile et inhospitalier, découpé par des lacs fragmentaires et des bras de mer déchiquetés. Partout se dressaient des ruines, témoins des tentatives infructueuses qu’avaient menées hommes et femmes pour dompter la nature. »
A côté de cela, le personnage de Fin MacLeod, écorché par la vie, orphelin lui aussi, ayant perdu lui-même son fils dans un accident de voiture à Edimbourg, va tout à fait avec le paysage et il n’en est pas moins attachant. Il n’est plus dans la police mais c’est néanmoins sa curiosité qui va le pousser à résoudre l’histoire énigmatique du cadavre tourbé, quitte à remuer des vérités qui dérangent et à démasquer le coupable… (parce que Fin est un héros cabossé mais un héros quand même !).
On se sent en manque après avoir refermé ce roman noir…