Traduit par Jacqueline Odin
Commencer la première nouvelle de Claire Keegan, « L’Antarctique », c’est ne plus lâcher le recueil avant de l’avoir terminé jusqu’au dernier mot. Dans une écriture simple, mais dense par tous les sous-entendus qu’elle soulève, l’écrivain plante le décor dans la campagne irlandaise ou américaine (mais ça pourrait très bien aussi se passer en France) et raconte la vie des femmes, le machisme ordinaire qui veut, par exemple, que jusqu’à une certaine époque, les femmes ne conduisent pas, et tant d’autres petits détails qui montrent un asservissement parfois inconscient. Avec beaucoup d’ironie et d’humour ses héroïnes font face. Unetelle prendra le volant dans une situation critique sous l’oeil médusé du mari, une autre victime de discrimination par rapport à la beauté de sa soeur mais pas stupide pour autant, trouvera le moyen tout simple pour que cela cesse. Toutes ces femmes ont joué le rôle que la société et l’univers des hommes leur assignaient, jusqu’au jour où elles ont décidé que ça suffisait. Et leur réplique est le plus souvent pimentée comme du Tabasco, mais parfois beaucoup plus tragique… On peut difficilement en dire davantage parce que ces nouvelles se dégustent et la fin est toujours une surprise. Le génie de Claire Keegan c’est aussi de ne pas tout dire, de mettre en évidence les non-dits et de laisser le lecteur en tirer les conséquences. Tous ses personnages ne sont pas forcément ce qu’ils ont l’air d’être jusqu’au jour où…
Les nouvelles qui m’ont le plus marquée : « Les hommes et les femmes », « Les soeurs », « Le sermon à la Ginger Rogers », « L’amour dans l’herbe haute », « La soupe au passeport », « On n’est jamais trop prudent » et « L’Antarctique ».
Quelques citations :
« Etre pêcheur c’est à peu près comme être serveuse. Des inconnus vous racontent toutes sortes de choses. »
» Elle a des taches de rousseur partout, comme si quelqu’un avait trempé une brosse à dents dans la peinture et l’avait éclaboussée »